IPCC Fourth Assessment Report: Climate Change 2007
Rapport du Groupe de travail I - Les éléments scientifiques

Facteurs humains et naturels des changements climatiques

Les changements de la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre et en aérosols, du rayonnement solaire et des propriétés de la surface des terres altèrent le bilan énergétique du système climatique. Ces changements sont exprimés en termes de forçage radiatif[2], qui est utilisé pour comparer la façon dont une série de facteurs humains et naturels provoquent un réchauffement ou un refroidissement du climat mondial. Depuis la publication du troisième Rapport d’évaluation, de nouvelles observations et modélisations associées des gaz à effet de serre, de l’activité solaire, des propriétés de la surface du sol, ainsi que certains aspects d’aérosols ont permis d’améliorer l’estimation quantitative du forçage radiatif.

Les concentrations atmosphériques mondiales de dioxyde de carbone, de méthane et d’oxyde nitreux ont fortement augmenté en conséquence des activités humaines entreprises depuis 1750, et dépassent aujourd’hui largement les valeurs préindustrielles déterminées à partir des carottes de glace couvrant plusieurs milliers d’années (voir figure RID.1). L’augmentation mondiale de la concentration en dioxyde de carbone est essentiellement due à l’utilisation des combustibles fossiles et aux changements d’affectation des terres, tandis que la concentration accrue de méthane et d’oxyde nitreux est essentiellement due à l’agriculture. {2.3, 6.4, 7.3}

Évolution des gaz à effet de serre tirée de données obtenues à partir des carottes de glace et de mesures récentes

Figure RID.1

Figure RID.1. Concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone, de méthane et d’oxyde nitreux durant les 10 000 dernières années (grands panneaux) et depuis 1750 (inserts). Les mesures sont déduites des carottes de glace (symboles de couleurs différentes pour diverses études) et d’échantillons atmosphériques (lignes rouges). Les forçages radiatifs correspondants sont indiqués sur les axes à la droite des grands panneaux. {Figure 6.4}

  • Le dioxyde de carbone est le plus important gaz à effet de serre d’origine anthropique (voir figure RID.2). La concentration atmosphérique mondiale de dioxyde de carbone a augmenté d’une valeur préindustrielle d’environ 280 ppm à 379 ppm en 2005[3]. D’après les analyses des carottes de glace, la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone en 2005 dépasse largement les variations naturelles durant les 650 000 dernières années (180–300 ppm). Le rythme d’accroissement annuel de la concentration de dioxyde de carbone a été plus rapide au cours des 10 dernières années (1,9 ppm par an en moyenne pour 1995–2005) que depuis le début des mesures directes atmosphériques continues (1,4 ppm par an en moyenne pour 1960–2005), bien qu’il y ait une variabilité du taux de croissance d’une année sur l’autre. {2.3, 7.3}

Composants du forçage radiatif

Figure RID.2

Figure RID.2. Estimations du forçage radiatif moyenné sur le globe (FR) et plages d’incertitudes pour le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O) anthropiques, et les autres facteurs et mécanismes importants, avec l’extension géographique (à l’échelle spatiale) de leur forçage, ainsi que le niveau évalué de la compréhension scientifique (LOSU). Le forçage radiatif anthropique total ainsi que son étendue sont également représentés. Ceci demande une addition asymétrique des incertitudes pour les différents composants, et ne peut être obtenu par une simple addition. On considère que les facteurs additionnels de forçage, non inclus dans ce tableau, ont un LOSU très faible. Les aérosols volcaniques sont un facteur supplémentaire du forçage naturel, mais ne sont pas inclus dans cette figure en raison de leur nature sporadique. L’étendue pour les trainées de condensation ne tient pas compte des autres effets possibles de l’aviation sur la nébulosité. {2.9, Figure 2.20}

  • La source principale de l’augmentation de la concentration du dioxyde de carbone dans l’atmosphère depuis l’époque préindustrielle provient de l’utilisation des combustibles fossiles, les changements de l’affectation des terres constituant une autre contribution importante mais moins élevée. Les émissions annuelles de dioxyde de carbone fossile[4] ont augmenté de 6,4 [de 6,0 à 6,8[5]] GtC (23,5 [de 22,0 à 25,0] GtCO2) par an pour la période 1990–1999 à 7,2 [de 6,9 à 7,5] GtC (26,4 [de 25,3 à 27,5] GtCO2) par an pour la période 2000–2005 (pour 2004 et 2005 l’estimation des données est intérimaire). Les émissions de dioxyde de carbone provenant du changement de l’affectation des terres de 1990 à 1999 sont estimées à 1,6 [de 0,5 à 2,7] GtC (5,9 [de 1,8 à 9,9] GtCO2) par an, bien que ces estimations comportent une large part d’incertitude. {7.3}
  • La concentration atmosphérique mondiale du méthane est passée de 715 ppb à l’époque préindustrielle à 1732 ppb au début des années 1990, pour atteindre 1774 ppb en 2005. En 2005, la concentration atmosphérique de méthane dépasse de loin les variations naturelles des 650 000 dernières années (320 à 790 ppb), déduites des carottes de glace. Le taux de croissance a diminué depuis le début des années 1990, en cohérence avec les émissions totales (somme des sources anthropiques et naturelles) pratiquement constantes au cours de cette période. Il est très probable[6] que l’augmentation observée de la concentration de méthane soit d’origine humaine, provenant essentiellement de l’agriculture et de l’utilisation des combustibles fossiles ; cependant, la contribution exacte de chaque source n’est pas bien déterminée. {2.3, 7.4}
  • La concentration atmosphérique globale d’oxyde nitreux est passée de 270 ppb à l’époque préindustrielle à 319 ppb en 2005. Le taux de croissance est resté relativement constant depuis 1980. Plus du tiers des émissions totales d’oxyde nitreux est d’origine humaine et essentiellement dû à l’agriculture. {2.3, 7.4}

Depuis la publication du TRE, la compréhension des influences humaines sur le réchauffement et le refroidissement climatique s’est améliorée, et c’est avec un degré de très haute confiance[7] que l’on peut affirmer que l’effet global moyen net des activités humaines depuis 1750 a été le réchauffement, avec un forçage radiatif de +1,6 [de +0,6 à +2,4] W m–2 (voir Figure RT.2). {2.3, 6.5, 2.9]

  • Le forçage radiatif résultant de l’accroissement du dioxyde de carbone, du méthane et de l’oxyde nitreux représente +2,30 [+2,07 à +2,53] Wm–2, et son taux d’accroissement au cours de l’époque industrielle a très probablement été sans précédent depuis plus de 10 000 ans (voir figures RID.1 et RID.2). Le forçage radiatif du dioxyde de carbone a augmenté de 20% entre 1995 et 2005, le plus grand changement au cours d’une décennie depuis plus de 200 ans au moins. {2.3, 6.4}
  • Les contributions anthropiques aux aérosols (essentiellement les sulfates, le carbone organique, la suie, les nitrates et les poussières) produisent ensemble un effet de refroidissement, avec un forçage radiatif direct total de –0,5 [–0.9 à –0,1] Wm–2, et un forçage indirect par l’albédo des nuages de –0,7 [–1,8 à –0,3] Wm–2. Ces forçages sont maintenant mieux compris qu’au moment du TRE grâce à l’amélioration des mesures in situ, satellitaires et au sol, ainsi qu’à une modélisation plus complète, mais restent l’incertitude dominante dans le forçage radiatif net. Les aérosols exercent également une influence sur la durée de vie des nuages et les précipitations. {2.4, 2.9, 7.5}
  • Des contributions anthropiques significatives au forçage radiatif viennent de plusieurs autres sources. Les changements de l’ozone troposphérique dus à l’émission de produits chimiques précurseurs de la formation d’ozone (oxydes nitreux, monoxyde de carbone et hydrocarbures) apportent +0,35 [de +0,25 à +0,65] Wm–2. L’effet direct dû aux changements des halocarbures[8] est de +0,34 [+0,31 à +0,37] Wm–2. Les changements de l’albédo de surface provoqués par les changements du couvert végétal, ainsi que les dépôts d’aérosols de suie sur la neige exercent un forçage, respectivement, de –0,2 [–0,4 à 0,0] et +0,1 [0,0 à +0,2] Wm–2. Des termes supplémentaires inférieurs à ±0,1 Wm–2 sont présentés sur la figure RID.2.{2.3, 2.5, 7.2}
  • On estime que les changements du rayonnement solaire depuis 1750 ont provoqué un forçage radiatif de +0,12 [+0,06 à +0,30] Wm–2, soit moins de la moitié des estimations du TRE. {2.7}
  1. ^  Le forçage radiatif est une mesure de l’influence d’un facteur dans la modification de l’équilibre entre l’énergie qui entre dans l’atmosphère terrestre et celle qui en sort, et constitue un indice de l’importance de ce facteur en tant que mécanisme potentiel du changement climatique. Un forçage positif tend à réchauffer la surface et un forçage négatif à la refroidir. Dans le présent Rapport, les valeurs du forçage radiatif sont données pour l’année 2005 par rapport aux conditions préindustrielles définies comme celles de 1750 et sont exprimées en watt par mètre carré (Wm–2). Voir le glossaire et la section 2.2 pour plus de détails.
  2. ^  ppm (parties par millions) ou ppb (parties par milliards) désigne le rapport du nombre de molécules de gaz à effet de serre au nombre de molécules d’air sec. Par exemple : 300 ppm signifie 300 molécules de gaz à effet de serre par million de molécules d’air sec.
  3. ^  Les émissions de dioxyde de carbone fossile comprennent celles qui proviennent de la production, de la distribution et de la consommation des combustibles fossiles, ainsi que le sous-produit de la production de ciment. Une émission de 1 GtC correspond à 3,67 GtCO2.
  4. ^  En règle générale, les fourchettes d’incertitude sur les résultats fournis dans ce Résumé à l’intention des décideurs sont, sauf indication contraire, des intervalles à 90%, c’est-à-dire qu’il y a une probabilité de 5% pour que la valeur soit au-dessus de la fourchette, et une probabilité de 5% qu’elle soit en-dessous. Les meilleures estimations disponibles sont fournies. Les fourchettes d’incertitude ne sont pas toujours symétriques autour de la valeur la plus probable. A noter que de nombreuses fourchettes d’incertitude dans le troisième Rapport d’évaluation du Groupe de travail I correspondaient à 2 sigma (95%), et étaient souvent fondées sur des jugements experts.
  5. ^  Dans ce Résumé à l’intention des décideurs les termes suivants ont été utilisés, d’après l’avis des experts, pour indiquer la probabilité estimée d’une conséquence ou d’un résultat : Pratiquement certain > 99%, Extrêmement probable > 95%, Très probable > 90%, Probable > 66%, Plutôt probable > 50%, Improbable < 33%, Très improbable < 10%, Extrêmement improbable < 5% (voir encadré RT.1 pour plus de détails).
  6. ^  Dans le Résumé à l’intention des décideurs, les termes suivants, correspondant à des degrés de confiance, ont été utilisés pour exprimer l’opinion des experts quant à l’exactitude de la science sous-jacente: très haute confiance signifie qu’il y a au moins 9 chances sur 10 pour que l’affirmation soit correcte ; haute confiance signifie qu’il y a environ 8 chances sur 10 pour que l’affirmation soit correcte (pour les détails, voir encadré RT.1).
  7. ^  Le forçage radiatif des halocarbures a été récemment évalué en détail dans le Rapport spécial de GIEC sur la sauvegarde de la couche d’ozone et le système climatique mondial (2005).