IPCC Fourth Assessment Report: Climate Change 2007
Rapport du Groupe de travail I - Les éléments scientifiques

RT.3.1.3 Changements du cycle de l’eau : vapeur d’eau, nuages, précipitations et tempêtes tropicales

La vapeur d’eau troposphérique augmente (cf. Figure RT.8). L’humidité spécifique superficielle a généralement augmenté depuis 1976 en relation proche avec les températures plus hautes tant sur la terre que sur l’océan. La colonne de vapeur d’eau totale a augmenté sur les océans de par le monde de 1,2 ± 0,3 % par décennie (avec une limite de confiance de 95%) de 1988 à 2004. Les changements régionaux observés sont cohérents tant dans leur mode qu’en quantité avec les changements de TSM et avec l’hypothèse d’une augmentation quasi-constante de l’humidité relative de la vapeur d’eau dans le rapport de mélange. La vapeur d’eau atmosphérique supplémentaire implique une disponibilité d’humidité accrue pour les précipitations. {3.4}

Figure RT.8

Figure RT.8. (a) Tendances linéaires dans les précipitations (colonne totale de vapeur d’eau) pendant la période 1988 à 2004 (% par décennie) et (b) série temporelle mensuelle d’anomalies, par rapport à la période montrée, au-dessus de l’océan au niveau mondial, avec la tendance linéaire. (c) La perception radiative moyenne globale (80°N à 80°S) de l’humidification de la troposphère supérieure est donnée par des séries temporelles mensuelles de combinaisons d’anomalies de température dans la brillance perçue par satellite (°C), par rapport à la période 1982 à 2004, la ligne brisée montrant la tendance linéaire de la température de brillance clef en °C par décennie. {3.4, Figures 3.20 et 3.21}

La vapeur d’eau dans la troposphère supérieure augmente aussi. En raison des limites instrumentales, il est difficile d’évaluer les changements à long terme de la vapeur d’eau dans la troposphère supérieure, c’est-à-dire là où elle a une importance radiative. Cependant, les données disponibles mettent actuellement en évidence des augmentations mondiales de l’humidité spécifique dans la troposphère supérieure au cours des deux dernières décennies (Figure RT.8). Ces observations sont en accord avec l’augmentation observée des températures et représentent une avancée importante depuis le TRE. {3.4}

L’ENSO est déterminant pour les variations des nuages. Etendues bien que pas omniprésentes, les diminutions du DTR continental ont coïncidé avec des augmentations de la quantité de nuages. Des observations de surface et par satellite ne s’accordent pas sur les variations de nébulosité totale et océanique à basse altitude. Cependant, des changements de radiation au sommet de l’atmosphère, observées des années 1980 aux années 1990 (dont il est possible qu’ils soient en partie liés au phénomène ENSO) semblent être associés à la réduction de la couche de nuages supérieure tropicale et sont compatibles avec des changements du bilan d’énergie et du pouvoir calorifique océanique observé. {3.4}

« L’obscurcissement mondial » n’est pas mondial du point de vue de la mesure et il ne s’est pas poursuivi après 1990. Les diminutions prévues de la radiation solaire à la surface de la Terre de 1970 à 1990 sont entachées d’un biais urbain. Qui plus est, l’on a observé des augmentations depuis environ 1990. Une charge croissante d’aérosols due aux activités humaines diminue la qualité de l’air régionale et la quantité de radiation solaire atteignant la surface de la Terre. Dans quelques régions, comme en Europe de l’Est, les observations récentes d’un renversement dans le signe de cet effet lient les changements de la radiation solaire aux améliorations de qualité de l’air qui leur sont contemporaines. {3.4}

Des tendances à long terme des précipitations de 1900 à 2005 ont été observées sur beaucoup de grandes régions (cf. Figure RT.9). Une augmentation significative des précipitations a été observée dans les parties orientales d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud, en Europe du Nord et en Asie du nord et centrale. Un assèchement a été observé dans le Sahel, la Méditerranée, l’Afrique du Sud et des parties de l’Asie du sud. Les précipitations varient fortement tant dans l’espace que dans le temps, et des tendances robustes à long terme n’ont pu être établies pour d’autres grandes régions.[5] {3.3}

Figure RT.9

Figure RT.9. (en haut) Distribution des tendances linéaires dans le volume des précipitations annuelles sur les terres dans la période 1901–2005 (% par siècle) et (au milieu) entre 1979 et 2005 (% par décennie). Les zones grisées indiquent qu’une insuffisance dans les données empêche de donner une tendance fiable. Le pourcentage est en base 1961–1990. (En bas) Séries temporelles des anomalies des précipitations annuelles mondiales sur les terres en base 1961–1990, de 1900 à 2005. Les courbes lissées montrent les variations décennales (cf. Annexe 3.A) pour différents lots de données. {3.3, Figures 3.12 et 3.13}

Des augmentations substantielles d’événements de fortes précipitations ont été observées. Ces augmentations sont probables (par exemple, au-dessus du 95e centile) dans beaucoup de régions de la Terre depuis environ 1950, même dans les régions qui ont vécu une réduction de la quantité des précipitations totales. Les augmentations ont aussi été prévues pour des événements de précipitation plus rares (1 cas par période de 50 ans), mais seules quelques régions disposent de données suffisantes pour évaluer de telles tendances avec fiabilité (voir la Figure RT.10). {3.8}

Figure RT.10

Figure RT.10. (en haut) tendances observées (en % par décennie) pour la période 1951–2003 dans la contribution des précipitations annuelles totales de jours très humides (soit à partir du 95e percentile). Les zones de terres blanches sont celles où on dispose de données insuffisantes pour déterminer des tendances. (En bas) anomalies (en %) des séries temporelles annuelles des jours très humides au niveau du globe (régions qui figurent dans le cadre du haut) en base 1961–1990, définies comme le pourcentage de variation par rapport à la moyenne de la période considérée (22,5%). La courbe orange lissée indique les variations décennales (v. Annexe 3.A) {Figure 3.39}

Les observations mettent en évidence une augmentation de l’activité des cyclones tropicaux intenses dans l’Atlantique du Nord depuis environ 1970, corrélée avec des augmentations des TSM tropicales. On suppose également une recrudescence de l’activité des cyclones tropicaux intenses dans d’autres régions, quoique la qualité des données soit de moindre qualité. La variabilité sur plusieurs décennies et la qualité des mesures des cyclones tropicaux avant les observations satellites de routine (vers 1970) compliquent la détection de tendances à long terme dans l’activité des cyclones tropicaux et il n’y a aucune tendance claire dans le nombre de cas annuels de cyclones tropicaux. Les évaluations du potentiel de destruction des cyclones tropicaux suggèrent une tendance ascendante significative depuis le milieu des années 1970, avec une tendance vers des durées de vie plus longues et une plus grande intensité. Les tendances sont aussi apparentes dans la TSM, une variable critique connue pour influer sur le développement des cyclones tropicaux (cf. figure RT.11). Les variations dans le nombre total de cas de cyclones tropicaux résultent d’ENSO et de la variabilité sur dix ans, ce qui conduit aussi à une redistribution du nombre de cas de tempêtes tropicales et des leurs trajectoires. Le nombre de cas d’ouragans en Atlantique Nord est considéré comme au-dessus de la normale (normale estimée à partir des années 1981–2000) sur neuf années entre 1995 à 2005. {3.8}

Figure RT.11

Figure RT.11. Anomalies annuelles (°C) dans la température de surface de la mer de l’Atlantique tropical (10°–20°N) dans la région de formation des cyclones tropicaux de l’Atlantique, par rapport à la moyenne de 1961–1990 {Figure 3.33}

Des sécheresses plus intenses et plus longues ont été observées dans des secteurs plus larges, particulièrement sous les tropiques et dans les sous-tropiques depuis les années 1970. Bien qu’il y ait beaucoup de mesures différentes de la sécheresse, beaucoup d’études utilisent les données de précipitation en combinaison avec les variations de température[6]. La recrudescence des sécheresses, en raison de températures plus hautes et des précipitations plus faibles sur les terres, a contribué à ces changements. {3.3}

Encart RT.3. Dynamique et stabilité des nappes glaciaires

Les nappes glaciaires sont les masses épaisses et larges de glace formée principalement par le tassement de la neige. Elles s’étendent sous leur poids propre, transférant la masse vers leurs bords où elles se délitent principalement par l’écoulement de surface de l’eau de la fonte des glaces ou par les glaciers émissaires produisant des icebergs dans les mers ou les lacs alentour. Les nappes glaciaires circulent par un phénomène de déformation au sein de la glace ou sur les matériaux se situant en-dessous d’elles grâce à la lubrification de l’eau de fonte. Pour que la base puisse se déplacer à une certaine vitesse, il est nécessaire que la température atteigne le point de fusion par la chaleur provenant de l’intérieur de la Terre, apportée par le déplacement d’eau de fonte, ou par la force de friction due au déplacement de la glace. Les vitesses de glissement dues à un certain stress gravitationnel peuvent différer de plusieurs ordres de grandeur, selon la présence ou l’absence de sédiment déformable, selon la rugosité du substrat et la provision et la distribution d’eau. Les caractéristiques de référence sont généralement mal définies, présentant des incertitudes importantes quant à la compréhension de la stabilité des nappes glaciaires. {4.6}

Le flux glaciaire est souvent canalisé dans des courants rapides de glace (soit un flux se déplaçant plus lentement que les murs de glace entre lesquels il se déplace) ou des glaciers d’échappement (avec des murs de roche). Le flux dans des courants de glace est dû soit à la force de gravitation augmentée par une glace plus épaisse dans des cuvettes de base, soit à une lubrification accrue à la base. {4.6}

La glace libérée à partir de la côte reste souvent attachée à la nappe glaciaire et devient une plate-forme glaciaire flottante. Cette dernière avance, s’élargissant et s’amincissant sous son propre poids, alimenté par les chutes de neige à la surface et par la glace de la nappe glaciaire. La friction sur les côtés de la nappe glaciaire et sur les hauts-fonds locaux la ralentit et ralentit ainsi l’amoindrissement de la nappe glaciaire. Une plate-forme glaciaire perd sa masse par fragmentation (donnant naissance à des icebergs) et par la fonte de la base dans la cavité océanique située au-dessous. Des études suggèrent qu’un réchauffement de l’océan de 1°C pourrait accélérer la fonte de la couche de glace basale de 10 m an–1, mais le fait que l’on connaisse mal les cavités dans les bancs de glace, en grande partie inaccessibles, limite l’exactitude de telles évaluations. {4.6}

Les mesures paléoclimatiques des périodes glaciaires précédentes indiquent que les nappes de glace se rétrécissent en réaction au réchauffement et s’élargissent en réaction au refroidissement, mais que le rétrécissement peut être beaucoup plus rapide que la croissance. Les volumes des nappes glaciaires au Groenland et en Antarctique sont équivalents à respectivement environ 7 m et 57 m de hausse de niveau de la mer. Les données paléoclimatiques indiquent qu’une ou les deux nappes de glace ont probablement fondu de manière substantielle de par le passé. Cependant, des données relatives à la glace montrent qu’aucune de ces nappes de glace n’a complètement disparu au cours des périodes chaudes pendant au moins un million d’années avant aujourd’hui. Les nappes glaciaires peuvent répondre au forçage environnemental sur de très longues durées, impliquant que l’occurrence de changements futurs peut résulter du réchauffement actuel. Par exemple, un réchauffement de la surface peut prendre plus de 10 000 ans pour pénétrer dans le lit et y changer les températures. La vitesse de la glace sur la plus grande partie d’une nappe glaciaire change lentement en réponse aux changements de la forme ou de la température superficielle de la nappe glaciaire, mais des grands changements de vitesse peuvent se produire rapidement dans les courants de glace et les glaciers d’échappement suite à des changement de conditions à la base, à la pénétration d’eau de fonte dans le lit ou à des changements dans les plates-formes glaciaires dans lesquelles les glaces s’écoulent.

Les modèles actuellement configurés pour de longues intégrations restent très fiables dans leur traitement de l’accumulation superficielle et l’ablation, de même que pour le TRE, mais n’intègrent pas un traitement complet de la dynamique glaciaire ; ainsi, les analyses de changements passés ou des projections futures utilisant de tels modèles peuvent sous-estimer les contributions de flux de glace à l’élévation du niveau de la mer, mais l’ampleur d’un tel effet est inconnue. {8.2}

  1. ^  Les régions qui ont fait l’objet d’une évaluation sont celles qui ont été prises en considération pour le chapitre des projections régionales dans le TRE et dans le chapitre 11 du présent Rapport.
  2. ^  Les précipitations et la température sont combinées dans l’Indice de sécheresse de Palmer (PDSI), considéré dans ce rapport comme une mesure de sécheresse. Le PDSI n’inclut pas de variables comme la vitesse de vent, la radiation solaire, l’aspect nuageux et la vapeur d’eau, mais c’est une mesure supérieure à la précipitation seule.