IPCC Fourth Assessment Report: Climate Change 2007
Rapport du Groupe de travail III - L’atténuation du changement climatique

Scénarios de stabilisation

Un objectif couramment rencontré dans la littérature est la stabilisation de la concentration du CO2 atmosphérique. Si plus d’un GES est étudié, une alternative utile consiste à formuler les cibles de concentrations de GES en termes de concentration ou de forçage radiatif en équivalents- CO2, pondérant ainsi la concentration des différents gaz en fonction de leurs propriétés radiatives. Une alternative consiste à postuler comme objectif la stabilisation de la température moyenne mondiale. L’avantage des cibles exprimées en termes de forçage radiatif sur les cibles de température est que le calcul du forçage radiatif ne dépend pas de la sensibilité climatique. Le désavantage en est qu’une large série d’impacts de température est possible pour chaque niveau de forçage radiatif. Les objectifs en termes de température, par ailleurs, ont l’avantage non négligeable de pouvoir être plus directement reliées aux impacts des changements climatiques. Une autre approche consiste à calculer les risques ou la probabilité de dépasser des valeurs particulières d’augmentation annuelle mondiale de températures moyennes depuis l’ère préindustrielle pour certains objectifs spécifiques de stabilisation ou de forçage radiatif.

Il y a une corrélation claire et forte entre elles vers 2100 dans les études publiées, en raison du fait que le CO2 est le contributeur le plus important du forçage radiatif. En se basant sur cette corrélation, pour faciliter la comparaison et l’évaluation des scénarios, des scénarios de stabilisation (aussi bien les études multi-gaz que les études traitant du CO2 seul) ont été groupées en différentes catégories dont la sévérité des objectifs varie [Tableau RT.2].

Tableau RT.2 : Classification de scénarios de stabilisation récents (post-TRE) suivant leurs différents objectifs de stabilisation et les unités de mesures alternatives de la stabilisation [Tableau 3.5)

Catégorie Forçage radiatif supplémentaire Concentration en CO2 Concentration en CO2-éq Augmentation de la température mondiale au-dessus de son niveau préindustriel à l’équilibre, à l’aide des « meilleures estimations » de sensibilité climatiquea, b Pic d’émissions de CO2c  Changement dans les émissions globales de CO2 en 2050 (% des émissions de 2000)c Nombre de scénarios évalués 
2.5-3.0 350-400 445-490 2.0-2.4 2000 - 2015 -85 á -50 
II 3.0-3.5 400-440 490-535 2.4-2.8 2000 - 2020 -60 á -30 18 
III 3.5-4.0 440-485 535-590 2.8-3.2 2010 - 2030 -30 á +5 21 
IV 4.0-5.0 485-570 590-710 3.2-4.0 2020 - 2060 +10 á +60 118 
5.0-6.0 570-660 710-855 4.0-4.9 2050 - 2080 +25 á +85 
VI 6.0-7.5 660-790 855-1130 4.9-6.1 2060 - 2090 +90 á +140 
Total 177 

Notes :

a) Il faut soulever que la température moyenne mondiale à l’équilibre est différente des températures mondiales moyennes en 2100 en raison de l’inertie du système climatique.

b) On utilise des corrélations simples Teq = T2xCO2 × ln([CO2]/278)/ln(2) et ΔQ = 5.35 x ln([CO2]/278). Les non-linéarités dans les rétroactions (y compris p.ex. la couverture de glaces et le cycle du carbone) peuvent être causes de dépendances temporelles de la sensibilité climatique effective, et peuvent aussi aboutir à des incertitudes plus importantes à des niveaux de réchauffement supérieurs. Les meilleures estimations de la sensibilité climatique (3C) se réfèrent à la valeur la plus probable, c’est-à-dire le mode de la sensibilité climatique selon une FDP cohérente avec les estimations du GT I de la sensibilité climatique et après avoir tiré des considérations complémentaires de l’Encart 10.2, Figure 2, dans le GT I RE4.

c) Les distributions correspondent aux 15e et 85e percentiles de la distribution des scénarios post-Troisième Rapport d’évaluation (TRE). Les émissions de CO2 figurent, les scénarios multi-gaz peuvent donc être comparés avec les scénarios du CO2 seul.

Essentiellement, toute concentration spécifique ou tout objectif de forçage radiatif implique que les émissions tombent à un niveau très bas tandis que les processus de piégeages terrestres et océaniques arrivent à saturation. Des cibles de stabilisation plus élevées repoussent nécessairement leur accomplissement au-delà de l’année 2100. Cependant, pour atteindre une cible de stabilisation donnée, les émissions doivent être réduites, à la fin, bien au-dessous de leurs niveaux actuels. Pour atteindre les catégories de stabilisation I et II, des émissions négatives nettes sont nécessaires avant la fin de ce siècle dans beaucoup de scénarios considérés (Figure RT.8) (bon accord, nombreuses mises en évidence) [3.3.5].

Le déroulement des réductions d’émissions dépend de la sévérité de la cible de stabilisation. Les cibles astreignantes nécessitent que le pic des émissions de CO2 soit atteint plus tôt (voir Figure RT.8). Dans la majorité des scénarios liés à la catégorie de stabilisation la plus astreignante (I), il est indispensable que les émissions déclinent avant 2015 et poursuivent leur baisse pour aboutir à moins de 50% des émissions actuelles vers 2050. Pour la catégorie III, les émissions globales prévues par les scénarios arrivent en général à leur apogée entre 2010 et 2030, avant un retour à leurs niveaux de 2000, en moyenne en 2040. Pour la catégorie IV, les émissions médianes atteignent leur apogée vers 2040 (Figure RT.9) (bon accord, nombreuses mises en évidence).

Figure RT.8

Figure RT.8 : déroulement des émissions selon les scénarios d’atténuation pour les différentes catégories d’objectifs de stabilisation (Catégories I à VII, comme rappelé dans chaque cadre de la figure). Les aires colorées en brun clair donnent les émissions de CO2 pour les scénarios d’atténuation récents, développés après le TRE. Les aires vertes illustrent la répartition de plus de 80 scénarios du TRE (Morita et al., 2000). Les scénarios de Catégorie I et de Catégorie II traitent d’objectifs de stabilisations situés en-dessous des objectifs les plus bas du TRE. Les émissions de l’année de base peuvent différer selon les modèles en raison des différences de couverture en termes d’industries et de secteurs. Pour atteindre les niveaux de stabilisation les plus bas, certains scénarios font appel au captage de CO2 atmosphérique (émissions négatives) à l’aide de technologies telles que la production de biomasse énergétique piégeant et stockant du carbone [Figure 3.17].

Figure RT.9Figure RT.9

Figure RT.9 : corrélation entre le coût de l’atténuation et les objectifs de stabilisation à long terme (forçage radiatif comparé aux niveaux préindustriels, W/m2 et concentrations en CO2 -éq) [Figure 3.25].

Notes : les différents panneaux indiquent les coûts mesurés en pertes de PIB, en % (en haut) et en prix du carbone (en bas). Les panneaux de gauche se réfèrent à 2030, ceux du milieu à 2050 et ceux de droite à 2100. Les différentes courbes colorées indiquent des études sélectionnées qui font état de dynamiques de coûts représentatives, allant d’estimations très élevées à des estimations très faibles. Les scénarios issus de modèles qui partagent des postulats similaires sont indiqués dans la même couleur. L’aire grise représente le 80e percentile des scénarios TRE et post-TRE. Les courbes continues illustrent les scénarios représentatifs en tenant compte de tous les gaz actifs dans les phénomènes radiatifs. Les lignes pointillées représentent les scénarios multi-gaz, où la cible est définie par les six gaz de Kyoto (d’autres scénarios multi-gaz prennent en considération tous les gaz à impact radiatif). Les scénarios de stabilisation du CO2 ont été ajoutés en se basant sur la corrélation entre la concentration en CO2 et les cibles de forçage radiatif données par la Figure 3.16.

Les coûts de la stabilisation dépendent de l’objectif de stabilisation et du niveau de celui-ci, de la situation de référence et du portefeuille de technologies considérées, de même que du rythme du progrès technologique. Les coûts globaux d’atténuation[9] augmentent en proportion inverse du niveau de stabilisation et en proportion directe des émissions de référence. Les coûts, en 2050, pour une stabilisation multi-gaz à 650 ppm CO2 -éq (catégorie IV) sont entre une perte de 2% et une augmentation d’un point[10] du PIB en 2050. Pour 550 ppm de CO2 -éq (catégorie III), ces coûts vont d’une toute petite augmentation à une perte de 4% du PIB.[11] Pour des niveaux de stabilisation situés entre 445 et 535 ppm CO2 -éq, les coûts sont inférieurs à une perte de 5,5% du PIB, mais le nombre d’études est limité et les études se basent généralement sur des situations de référence basses.

Une approche multi-gaz et l’intégration des puits de carbone réduisent généralement les coûts de manière substantielle, en comparaison avec la prise en compte du CO2 seul. Les coûts moyens globaux de la stabilisation sont incertains, parce que les postulats portant sur la situation de référence ou sur les options d’atténuation dans les modèlent varient beaucoup et qu’elles ont un impact de première importance. Pour certains pays, secteurs ou pour certaines échelles temporelles moins importantes, les coûts varieraient considérablement de la moyenne mondiale à long terme (bon accord, nombreuses mises en évidence) [3.3.5]

Des études récentes portant sur la stabilisation ont mis au jour le fait que les options d’atténuation basées sur l’affectation des sols (aussi bien pour le CO2 que pour les autres) permettent d’obtenir une certaine flexibilité dans la réduction des coûts pour atteindre les objectifs de stabilisation de 2100. Dans certains scénarios, une augmentation relative de l’énergie issue de la biomasse (combustibles solides et liquides) commercialisée a un impact significatif sur la stabilisation, fournissant entre 5 et 30% de la réduction cumulée et, potentiellement, 10 à 25% de l’énergie primaire totale au cours du siècle, particulièrement en tant que stratégie d’émissions négatives combinant l’énergie issue de la biomasse avec le piégeage et le stockage du CO2.

Le choix de la situation de référence est crucial pour déterminer la nature et les coûts de la stabilisation. Cette influence est principalement due aux différents postulats sur les progrès technologiques dans les scénarios basaux.

  1. ^  Les études portant sur les paniers d’atténuation et sur les coûts macro-économiques évaluées dans le présent rapport sont basées sur une approche globale du moindre coût, comprenant des portefeuilles de mesures d’atténuation et sans allocation de permis d’émissions aux régions. Si des régions sont exclues, ou si des portefeuilles sub-optimaux sont sélectionnés, les coûts globaux monteront. La variation des portefeuilles d’atténuation et leurs coûts pour un niveau de stabilisation donné sont causées par la différence de postulats, comme par exemple la situation de référence (une situation de référence plus basse aboutira à des coûts plus bas), les GES et les options d’atténuation pris en considération (davantage de gaz couverts, davantage de mesures d’atténuation envisagées aboutissent à davantage de coûts), les courbes de coût pour les options d’atténuation et le taux d’innovation technologique.
  2. ^  Figurent ici la médiane et la plage 10e-90e centile des données analysées.