IPCC Fourth Assessment Report: Climate Change 2007
Rapport du Groupe de travail II - Conséquences, adaptation et vulnérabilité

B. Connaissances actuelles des impacts observés des changements climatiques sur l’environnement naturel et humain

Le quatrième Rapport d’évaluation du Groupe de travail I constitue une présentation exhaustive des changements climatiques observés. La partie ci-après du Résumé du Groupe de travail II traite des relations existant entre les changements climatiques observés et les changements survenus récemment dans l’environnement naturel et humain.

Les déclarations présentées ci-dessous sont basées principalement sur les jeux de données dont on dispose depuis 1970. Le nombre d’études relatives aux tendances observées dans l’environnement physique et biologique et à leurs relations avec les changements climatiques régionaux a considérablement augmenté depuis le troisième Rapport d’évaluation en 2001. La qualité des données a également été améliorée. Il existe cependant un manque d’équilibre notable dans la répartition géographique des données et de la littérature concernant les changements observés, avec une rareté marquée au sein des pays en voie de développement.

Des études récentes ont permis d’élargir la portée et la fiabilité des évaluations des relations existant entre le réchauffement observé et les conséquences qui en avaient été tirées dans le Troisième rapport d’évaluation. En effet, ce dernier affirmait, « avec un degré de confiance élevé[3], que les variations récentes de la température à l’échelle régionale ont eu des répercussions discernables sur beaucoup de systèmes physiques et biologiques ».

Les conclusions que l’on peut tirer de la présente Évaluation sont les suivantes.

Les observations effectuées dans tous les continents et la plupart des océans prouvent que de nombreux systèmes naturels sont affectés par les changements climatiques régionaux, en particulier les augmentations de température.

On peut affirmer avec un degré de confiance élevé que les systèmes naturels sont affectés par des changements touchant l’enneigement, les glaces et les pergélisols (y compris le permafrost)[4] . Exemples:

  • extension et accroissement des lacs glaciaires [1.3];
  • instabilité accrue des sols dans les régions de pergélisol et éboulements dans les régions montagneuses [1.3];
  • transformations de certains écosystèmes en Arctique et en Antarctique, y compris des biomes des glaces de mer et des prédateurs du sommet de la chaîne alimentaire [1.3, 4.4, 15.4].

Sur la base de l’accumulation des preuves réunies, on peut affirmer avec un niveau de confiance élevé que les systèmes hydrologiques subissent les effets suivants :

  • débit accru et crue de printemps plus précoce de nombreux cours d’eau alimentés par fonte des glaciers et de la neige [1.3];
  • réchauffement des lacs et des cours d’eau dans de nombreuses régions, entraînant des conséquences sur la structure thermique et la qualité de l’eau [1.3].

On considère avec un degré de confiance très élevé, grâce à des preuves plus abondantes portant sur une gamme d’espèces plus large, que le récent réchauffement qui affecte fortement les systèmes biologiques terrestres, concerne également :

  • la précocité de certains évènements printaniers, tels que le débourrement, la migration des oiseaux et la ponte [1.3];
  • le déplacement de l’aire de répartition d’espèces animales et végétales vers les pôles et vers des altitudes supérieures [1.3, 8.2, 14.2].

Les observations satellitaires réalisées depuis le début des années 1980 indiquent avec un degré de confiance élevé que de nombreuses régions ont vu se produire au printemps un « verdissement[5] » précoce de la végétation dû à l’allongement des périodes de croissance thermique résultant du récent réchauffement [1.3, 14.2].

En se basant sur de nouvelles preuves substantielles, on peut affirmer avec un degré de confiance élevé que les changements observés dans les systèmes biologiques marins et dulcicoles sont associés tant à la hausse des températures, qu’aux modifications de la couverture glaciaire, de la salinité, des taux d’oxygène et de la circulation [1.3]. Ces modifications concernent:

  • des augmentations d’abondance d’algues et de zoo-plancton dans les hautes latitudes ainsi que dans les lacs de haute altitude [1.3];
  • l’augmentation des algues et du zooplancton dans les lacs d’altitude situés à des latitudes élevées [1.3];
  • les migrations précoces de poissons et des changements de leur aire de répartition dans les rivières [1.3].

L’évaluation mondiale des données depuis 1970 indique que le réchauffement d’origine anthropique a probablement[6] eu des conséquences visibles sur de nombreux systèmes biophysiques.

L’apport de carbone anthropique depuis 1750 a entraîné l’acidification des océans, dont le pH a décru, en moyenne, de 0,1 unité [quatrième Rapport d’évaluation du Groupe de travail I du GIEC]. Néanmoins, les effets de cette acidification des océans observée sur la biosphère marine n’ont pas été documentés jusqu’à présent [1.3].

Les preuves accumulées depuis les cinq dernières années indiquent que les changements survenus dans de nombreux systèmes physiques et biologiques sont liés au réchauffement d’origine anthropique. Cette conclusion est confirmée par les quatre ensembles de preuves suivants :

1. Le quatrième Rapport d’évaluation du Groupe de travail I est parvenu à la conclusion que la majeure partie de l’augmentation des températures moyennes mondiales, observée depuis le milieu du XXe siècle, est très probablement due à l’augmentation observée des concentrations de gaz à effet de serre anthropiques.

2. Sur les 29 000 séries de données d’observations[7] issues de 75 études illustrant les modifications considérables subies par les systèmes physiques et biologiques, plus de 89% correspondent à l’évolution prévue des réponses au réchauffement (Figure RID.1) [1.4].

3. La synthèse des études présentées dans la présente Évaluation démontre de façon évidente que la l’accord spatial entre les régions du globe où un réchauffement régional est significatif, et celles où le réchauffement a affecté de nombreux systèmes, ne peut vraisemblablement pas être due au seul fait de la variabilité naturelle de la température ou de la variabilité naturelle des systèmes (Figure RID.1) [1.4].

4. Enfin, quelques études de modélisation ont associé les réponses de certains systèmes physiques et biologiques à la composante anthropique du réchauffement en établissant des comparaisons entre les réponses de ces systèmes et les réponses des modèles qui distinguaient explicitement les forçages naturels (activité solaire et volcanique) des forçages anthropiques (gaz à effet de serre et aérosols). La qualité des réponses simulées par les modèles utilisant tant les forçages naturels que les forçages anthropiques est nettement supérieure à celle des modèles qui ne prennent en compte que le forçage naturel [1.4].

Changements des systèmes physiques et biologiques et des températures de surface, 1970-2004

Figure RID.1

Figure RID.1. Les emplacements des changements significatifs dans les systèmes d’observation des systèmes physiques (neige, glaces et pergélisols; hydrologie; et processus côtiers) et des systèmes biologiques (terrestres, marins et dulcicoles), sont représentés parallèlement à l’évolution de la température de surface pour la période 1970-2004. Près de 29 000 sous-ensembles de données ont été sélectionnés sur les quelques 80.000 fournies par 577 études. Ces séries devaient se conformer aux critères suivants : (1) Se terminer en 1990 ou plus tard ; (2) couvrir une période d’au moins 20 ans ; et (3) montrer un changement significatif, quelle qu’en soit la direction, dans les conditions fixées pour les études individuelles. Ces données proviennent de 75 études (dont 70 nouvelles depuis le troisième Rapport d’évaluation) et contiennent près de 29 000 ensembles de données, dont 20.000 proviennent d’études européennes. Les zones en blanc indiquent que les données d’observation climatiques sont insuffisantes pour établir les tendances de l’évolution thermique. Les cases 2 x 2 présentent le nombre total de séries montrant des changements significatifs (ligne du haut) et le pourcentage de celles-ci qui sont cohérentes avec le réchauffement (ligne du bas) pour (i) les régions continentales: Amérique du Nord (NAM), Amérique Latine (LA), Europe (EUR), Afrique (AFR), Asie (AS), Australie et Nouvelle-Zélande (ANZ), et les Régions polaires (PR) ; et (ii) à l’échelle mondiale: milieu Terrestre (TER), milieux Marin et Eaux douces (MFW), et Global (GLO). La somme des chiffres des sept cases régionales (NAM, …, PR) ne correspond pas au total de la case Global (GLO) parce-que les études dans ces régions (excepté la polaire) ne contiennent pas les études sur les systèmes marins et dulcicoles (MFW). Les sites marins où se produisent des changements importants ne sont pas indiqués sur la carte. [Quatrième Rapport d’évaluation du Groupe de travail II F1.8, F1.9; Quatrième Rapport d’évaluation du Groupe de travail I F3.9b].

Des limitations et des lacunes empêchent encore d’attribuer les réponses observées des systèmes au réchauffement anthropique à des facteurs précis. Tout d’abord, les systèmes et les sites observés n’ont donné lieu qu’à des analyses en nombre insuffisant. En second lieu, la variabilité des températures est ressentie plus fortement au niveau régional qu’à l’échelle mondiale, ce qui gêne l’identification des changements provoqués par le forçage externe. Finalement, à l’échelle régionale, d’autres facteurs entrent en ligne de compte, tels que les changements de l’affectation des terres, la pollution ou les espèces envahissantes [1.4].

Néanmoins, entre les changements observés, les changements modélisés dans diverses études et l’accord spatial entre un réchauffement régional significatif et ses incidences à l’échelle mondiale, la cohérence est suffisante pour conclure avec un degré de confiance élevé que le réchauffement d’origine anthropique persistant depuis les trois dernières décennies a visiblement affecté de nombreux systèmes physiques et biologiques [1.4].

Apparition d’autres effets des changements climatiques régionaux sur l’environnement naturel et humain, bien que moins décelables pour cause d’adaptation et de facteurs non-climatiques.

Des effets consécutifs à l’augmentation de température ont été répertoriés (avec un degré de confiance moyen) :

  • les effets sur la gestion agricole et sylvicole dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord, comme la plantation précoce des cultures au printemps et les dérèglements des régimes forestiers dus aux incendies et aux parasites [1.3];
  • certains aspects de la santé humaine, ainsi la mortalité liée à la chaleur en Europe, les vecteurs de maladies infectieuses dans certaines régions et les allergies aux pollens dans l’hémisphère Nord aux moyennes et hautes latitudes [1.3, 8.2, 8.RE];
  • certaines activités humaines dans l’Arctique (par exemple, la chasse et le transport sur la neige et sur glace), ainsi que dans des régions alpines de faible altitude (sports de montagne, par exemple) [1.3].

Les changements climatiques récents et les variations du climat commencent à avoir des effets sur beaucoup d’autres systèmes naturels et humains. Cependant, d’après les publications existantes, les tendances de certains impacts restent encore à établir. Par exemple:

  • Les établissements humains créés dans certaines régions montagneuses sont soumis à des risques accrus de déversements de lacs glaciaires, en raison de la fonte des glaciers. Dans certains endroits des institutions gouvernementales ont commencé à prendre des mesures en construisant des barrages et des ouvrages de drainage [1.3].
  • Dans la partie sahélienne de l’Afrique, le raccourcissement des saisons de pousse a amené des conditions plus chaudes et plus sèches, avec des effets néfastes sur les récoltes. Dans le sud de l’Afrique l’allongement des saisons sèches et un régime pluvieux incertain exigent des mesures d’adaptation d’urgence [1.3].
  • L’élévation du niveau de la mer et l’expansion humaine participent ensemble au rétrécissement des bandes côtières humides et des mangroves, augmentant ainsi les dommages causés à de nombreuses régions par les inondations côtières [1.3].
  1. ^  Voir Encart 2
  2. ^  Voir le quatrième Rapport d’évaluation du Groupe de travail I.
  3. ^  Mesuré selon l’Indice différentiel normalisé de végétation, qui est une mesure satellitaire relative de la quantité totale de la végétation verte dans une région.
  4. ^  Voir Encart 2.
  5. ^  Sur les quelque 80 000 séries de données fournies par 577 études, près de 29 000 ont fait l’objet d’une sélection. Elles devaient respecter les critères suivants : (1) Se terminer en 1990 ou plus tard ; (2) couvrir une période d’au moins 20 ans ; et (3) montrer un changement significatif, quelle qu’en soit la direction, dans les conditions fixées pour les études individuelles