IPCC Fourth Assessment Report: Climate Change 2007
Rapport du Groupe de travail II - Conséquences, adaptation et vulnérabilité

RT.5.2 Interrelations entre l’adaptation et l’atténuation

L’adaptation et l’atténuation peuvent contribuer à réduire les dangers liés au changement climatique qui pèsent sur la nature et sur la société.

Cependant, leurs effets varient en fonction du lieu et du moment. L’atténuation aura des effets au niveau mondial mais, en raison des temps de réponse dans les systèmes climatiques et biophysiques, ces effets seront difficilement décelables avant le milieu du XXIe siècle [GTI RE4 RID]. Les retombées positives de l’adaptation seront, pour leur plus grande part, d’un intérêt local à régional mais elles peuvent être immédiates, spécialement si elles concernent aussi les vulnérabilités aux conditions climatiques actuelles [18.1.1, 18.5.2]. En raison de ces différences entre l’adaptation et l’atténuation, les politiques climatiques ne consistent pas à choisir entre l’adaptation et l’atténuation. Si les vulnérabilités-clés liées au changement climatique doivent faire l’objet de mesures, l’adaptation est nécessaire parce que même l’atténuation la plus vigoureuse ne pourra pas éviter la poursuite des changements climatiques au cours des quelques décennies à venir. L’atténuation est nécessaire parce que l’adaptation seule pourrait finir par aboutir sur une ampleur de changement climatique à laquelle l’adaptation ne serait possible qu’au prix de coûts sociaux, environnementaux et sociaux considérables [18.4, 18.6].

Nombre d’impacts peuvent être évités, réduits ou retardés par l’atténuation

Un petit nombre d’évaluations des impacts ont été aujourd’hui menés à leur terme pour les scénarios qui projettent une stabilisation des concentrations des gaz à effet de serre. Bien que ces études ne prennent pas complètement en compte les incertitudes du changement climatique sous l’empire de la stabilisation – par exemple, la sensibilité des modèles climatiques au forçage – ils fournissent quand même des indications sur les dommages évités ou sur les vulnérabilités et les risques atténués par la réduction des émissions à divers degrés. [2.4, T20.6]

De plus, on dispose aujourd’hui de meilleures informations quantitatives sur le moment où, dans une série d’augmentations de la température, différents types d’impact pourraient se produire. Cela permet d’inférer les montants de hausses de températures au niveau mondial telles qu’elles sont projetées pour trois périodes (les années 2020, les années 2050, les années 2080) sous l’empire de plusieurs scénarios de stabilisation et pour des tendances dans le niveau d’émissions tels qu’ils sont postulés dans les différents scénarios du RSSE. Les tableaux RT.3 et RT.4 donnent une idée des impacts qui pourraient être évités en fonction de la variation de température considérée.

Un portefeuille de mesures d’adaptation et d’atténuation permet de diminuer les risques associés au changement climatique.

Même les efforts d’atténuation les plus sévères ne pourraient pas exclure d’autres impacts des changements climatiques au cours des quelques décennies à venir, ce qui rend l’adaptation essentielle, particulièrement pour faire face aux impacts à court terme. Un changement climatique non atténué serait susceptible, à long terme, de dépasser la capacité des systèmes naturels, aménagés et humains à s’adapter [20.7].

Cela laisse à penser que la valeur d’un portefeuille ou d’un panier de stratégies mélangées qui comprennent l’atténuation, l’adaptation, le développement technologique (améliorant à la fois l’adaptation et l’atténuation) et la recherche (en climatologie, sur les impacts, l’adaptation et l’atténuation). De tels paniers pourraient combiner des politiques et des approches basées sur les incitations et des actions à tous niveaux, du citoyen au gouvernement national et aux organisations internationales [18.1, 18.5].

Ces actions comprennent des alternatives technologiques, institutionnelles et comportementales, l’introduction d’instruments politiques et économiques pour encourager l’usage de ces alternatives, et la recherche et développement pour réduire l’incertitude et améliorer l’efficacité et l’efficience des alternatives [18.4.1, 18.4.2]. Beaucoup d’acteurs différents sont impliqués dans la mise en place de ces actions, à différentes échelles spatiale et institutionnelle. L’atténuation implique en premier lieu l’énergie, les transports, les secteurs industriel, résidentiel, forestier et agricole, tandis que les acteurs impliqués dans l’adaptation représentent une large palette d’intérêts sectoriels, y compris l’agriculture, le tourisme et les loisirs, la santé publique, l’accès à l’eau, la gestion côtière, l’urbanisme et la conservation de la nature [18.5, 18.6]

Une des manières de renforcer la capacité d’adaptation est de prendre en considération les impacts du changement climatique dans la planification du développement [18.7], par exemple :

  • En intégrant des mesures d’adaptation dans la planification de l’affectation des terres et la conception des infrastructures [17.2];
  • En intégrant des mesures de réduction des vulnérabilités dans les stratégies de réduction du risque de catastrophe naturelle [17.2, 20.8].

Les décisions sur l’adaptation et l’atténuation sont prises à différents niveaux.

Parmi ces niveaux de décision, on trouve les ménages et les agriculteurs, les sociétés privées et les agences de planification nationales. Une atténuation efficace requiert la participation de l’essentiel des émetteurs de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, alors que la plus grande partie de l’adaptation a lieu aux niveaux local et national. Les avantages de l’atténuation sont mondiaux, tandis que ses coûts et les avantages accessoires se manifestent localement. Et les coûts et les retombées positives de l’adaptation se font principalement jour à l’échelle locale [18.1.1, 18.4.2]. En conséquence, l’atténuation est principalement dirigée par des accords internationaux et les politiques publiques nationales qui leur emboîtent le pas, tandis que la plus grande partie de l’adaptation est lancée par des actions privées des entités affectées et par des mesures publiques prises en faveur de communautés affectées [18.1.1, 18.6.1].

L’interrelation entre adaptation et atténuation peut exister à chaque niveau de prise de décision. Les actions d’adaptation ont des effets (souvent inattendus) d’atténuation positive ou négative, cependant que les actions d’atténuation ont des effets (souvent inattendus, là aussi) d’adaptation positive ou négative [18.4.2, 18.5.2]. Un exemple d’action adaptative ayant eu des effets d’atténuation négatifs est l’usage de l’air conditionné (si l’énergie qui le fait fonctionner provient des combustibles fossiles). Un exemple d’atténuation qui a un effet adaptatif positif serait la plantation de forêts sur les pentes de collines dégradées, ce qui n’aura pas comme seul effet d’absorber du carbone mais aussi de contrôler l’érosion des sols. D’autres exemples de synergies semblables entre l’adaptation et l’atténuation comprennent l’électrification des zones rurales sur la base de sources d’énergie renouvelables, la plantation d’arbres dans les villes pour limiter l’effet des îlots de chaleur urbaine, le développement de systèmes agro-forestiers [18.5.2].

L’analyse des relations entre l’adaptation et l’atténuation pourrait révéler des solutions pour promouvoir la mise en place effective d’actions d’adaptation et d’atténuation.

La création de synergies entre l’adaptation et l’atténuation peut améliorer l’efficacité-coût des actions et les rendre plus séduisantes pour les bailleurs de fonds potentiels et autres décideurs (v. Tableau RT.7). Cependant, les synergies ne fournissent aucune garantie que les ressources seront utilisées de la façon la plus efficiente lorsqu’on cherche à réduire les risques liés au changement climatique. De plus, des actions essentielles sans effets synergétiques pourraient être négligées si la création de synergies devenait un critère essentiel de décision [18.6.1]. Il existe des occasions de synergies dans certains secteurs (par exemple l’agriculture, la foresterie, le bâtiment et l’urbanisme) mais elles sont plutôt limitées dans beaucoup d’autres secteurs pertinents pour les problèmes climatiques [18.5.2]. Le manque d’informations aussi bien conceptuelles qu’empiriques qui prennent explicitement en considération l’adaptation et l’atténuation rendent ardue l’estimation du besoin et du potentiel des synergies en politique climatique [18.7].

Tableau RT.7. Relations entre l’adaptation et l’atténuation [F18.3]. ONGE : Organisation non gouvernementale environnementale; MDP : Mécanisme pour un développement propre. AME : Accord multilatéral sur l’environnement

Echelle Adaptation /atténuation Atténuation /adaptation Décisions parallèles affectant l’adaptation et l’atténuation Pondération des intérêts et synergies entre l’adaptation et l’atténuation  
Globale / politique La prise de conscience des limites de l’adaptation motive l’atténuation, par exemple le lobbying politique des ONGE. Le commerce de CDM fournit des fonds pour l’adaptation via les surcharges. Allocation de fonds issus des AME ou du Fonds spécial pour les changements climatiques. Estimation des coûts et des avantages dans l’adaptation et l’atténuation dans l’établissement d’objectifs pour la stabilisation. 
Régionale / stratégie naturelle / Planification sectorielle La planification de la gestion des eaux (par exemple énergie hydroélectrique) et la couverture des sols affectent les émissions de gaz à effet de serre Les taxes sur les produits pétroliers augmentent le coût de l’adaptation en raison de coûts énergétiques supérieurs. Les capacités nationales, par exemple l’autoévaluation, soutiennent l’intégration de l’adaptation et de l’atténuation dans les politiques publiques. Tests de la sensibilité des projets aux politiques d’atténuation, aux coûts sociaux du carbone et des impacts climatiques. 
Locale / Communauté biophysique et actions individuelles L’usage croissant de l’air conditionné (maisons, bureaux, transports) augmente les émissions de gaz à effets de serre. Le captage de carbone par les communautés affecte les modes de vie. Les autorités de planification locale mettent en place des critères liés à l’adaptation et à l’atténuation dans la planification de l’affectation des sols. Estimation intégrée, par les entreprises, de l’exposition aux politiques d’atténuation du carbone et des impacts climatiques. 

Il est nécessaire de disposer d’informations sur l’évolution avec le temps des coûts et des avantages des actions menées pour prendre des décisions sur le compromis entre les avantages immédiats et localisés des mesures d’adaptation et les avantages mondiaux à long terme des mesures d’atténuation.

Par exemple, une question pertinente consiste à se demander si le fait d’investir dans l’adaptation permet ou non de gagner du temps pour l’atténuation ? Les modèles globaux intégrés d’évaluation fournissent des valeurs estimées approximatives des coûts et des avantages relatifs à des niveaux d’agrégation élevés. La complexité des relations entre adaptation et atténuation est clairement perceptible aux niveaux d’analyse et de mise en œuvre les plus détaillées [18.4.2]. Cette complexité, qui se caractérise en particulier par le fait que l’adaptation et l’atténuation opèrent à des échelles spatiales, temporelles et institutionnelles différentes et font intervenir divers acteurs qui ont des intérêts, des opinions, des systèmes de valeurs et des droits de propriété différents, constitue un défi pour la mise en oeuvre pratique d’un compromis au-delà de l’échelle locale. En particulier, la notion de « combinaison optimale » d’adaptation et d’atténuation est problématique, car elle suppose généralement qu’il y a un budget à somme nulle pour l’adaptation et l’atténuation et qu’il serait possible de bien rendre compte des intérêts individuels de tous ceux qui subissent et subiront les effets du changement climatique, dans au moyen d’une mesure agrégée du bien-être à l’échelle du globe [18.4.2, 18.6.1].

La capacité des gens à s’adapter et à atténuer proviennent de jeux de facteurs similaires.

Ces facteurs représentent une capacité de réaction générique qui peut être mobilisée soit au service de l’adaptation, soit au service de l’atténuation. La capacité de réaction, à son tour, dépend du niveau de développement social. Améliorer la capacité de réaction d’une société en suivant un processus de développement durable et donc une façon de promouvoir à la fois l’adaptation et l’atténuation [18.3]. Cela faciliterait l’implantation effective des deux options, de même que leur intégration dans le mode de conception de la planification et du développement sectoriels. Si les politiques climatiques et de développement durable se poursuivent de façon intégrée, il sera important de ne pas se borner à n’évaluer que les alternatives politiques spécifiques qui pourraient atteindre les deux objectifs, mais d’explorer aussi les déterminants de la capacité de réponse qui sous-tendent ces alternatives comme elles découlent de processus de développement socio-économique et technologique sous-jacents. [18.3, 18.6.3].