IPCC Fourth Assessment Report: Climate Change 2007
Rapport du Groupe de travail II - Conséquences, adaptation et vulnérabilité

RT.5.3 Vulnérabilités-clés

Les vulnérabilités-clés se retrouvent dans beaucoup de systèmes sociaux, économiques, biologiques et géophysiques.

La vulnérabilité au changement climatique est le degré auquel des systèmes géophysiques, biologiques et socio-économiques sont susceptibles de, et incapables de faire face à, des impacts dommageables du changement climatique. Le terme « vulnérabilité » peut donc se référer au système vulnérable lui-même (des îles de basse altitude ou des villes côtières par exemple), l’impact sur ce systèmes (les inondations des villes côtières et des terres agricoles par exemple, ou des migrations forcées), ou le mécanisme qui cause l’impact (par exemple la désintégration de la nappe glaciaire ouest-antarctique). Basées sur un certain nombre de critères présents dans la littérature (c’est-à-dire l’ampleur, le déroulement, la persistance / réversibilité, le potentiel adaptatif, les aspects distributionnels, la probabilité et « l’importance » des impacts [19.2]), certaines de ces vulnérabilités peuvent être qualifiées de « vulnérabilités-clés » Les impacts-clés et les vulnérabilités-clés qui en découlent se retrouvent dans beaucoup de systèmes sociaux, économiques, biologiques et géophysiques [19.1.1].

L’identification des vulnérabilités-clés potentielles a pour objectif de fournir un guide à l’intention des décideurs pour identifier les niveaux et les rythmes de changement climatique qui peuvent être associés à de dangereuses interférences anthropiques (DAI) avec le système climatique, selon la terminologie de la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), article 2 [E 19.1]. En dernier ressort, la détermination des DAI ne peut pas se baser sur les seuls arguments scientifiques, mais elle implique d’autres jugements éclairés sur la base des connaissances scientifiques [19.1.1]. Le Tableau RT.8 illustre une liste choisie des vulnérabilités-clés.

Tableau RT.8. Tableau de vulnérabilités-clés sélectionnées. Les vulnérabilités-clés vont de celles qui sont associées aux systèmes de société, pour lesquelles le potentiel adaptatif est le plus important, à celles qui sont associées aux systèmes biophysiques, qui bénéficieront probablement de la capacité d’adaptation la moins importante. Le potentiel adaptatif pour les vulnérabilités-clés issues d'événements extrêmes est associé aux systèmes affectés, dont la plupart sont de type socio-économique. Lorsqu'elles sont disponibles, des informations figurent sur la possible variation des impacts en cas d'augmentation plus importante des températures moyennes mondiales. Toutes les augmentations de température sont en base 1990. La plupart des impacts sont issus de changements climatiques, météorologiques et / ou du niveau de la mer, non de la température seule. Dans de nombreux cas, les impacts du changement climatique sont marginaux ou synergiques avec d'autres facteurs de tension existants et parfois incertains. Les critères pour l’établissement des vulnérabilités-clés sont décrits dans la section RT.5.3. Pour plus de détails, voir le texte correspondant dans le chapitre 19. Clé des symboles de confiance : *** confiance très élevée, ** confiance élevée, * confiance moyenne, • confiance basse. Les sources de la colonne de gauche se trouvent dans le T19.1.Les sources de la colonne de droite se trouvent dans le T19.1, et aussi dans les Tableaux RT. 3 et RT.4, à l’exception de: a: 5.4.2, 5.6; b: 20.6, 20.7; c: 1.3, 11.4.8, 14.2.3, 15.4.5; d: 3.4, 6.4, 11.4; e: 19.3.5, T19.1; f: 19.3.5, 12.6; g: 1.3.2, 1.3.3, T19.1; h: GTI 10.3.6.1; i: GTI RE4 10.3.6.1; j: GTI RE4 10.3.5.6

Principaux systèmes ou groupes à risque  Critère premier de « vulnéra-bilité-clé »  Augmentation moyenne de la température mondiale par rapport à 1990 
Systèmes sociaux à l’échelle mondiale 
Alimentation Distribution, ampleur   Baisse de la productivité céréalière aux basses latitudes. ** Hausse de la productivité de certaines céréales aux latitudes moyennes à élevées** La productivité céréalière baisse dans certaines régions de latitude moyenne à élevée. ** 
       Le potentiel mondial de production monte jusqu’à 3°C, baisse au-delà • a     
Impacts et distribution agrégée sur le marché Ampleur, distribution Avantages nets dans de nombreuses régions de hautes latitudes ; coûts nets dans de nombreuses régions en basse latitude • b         
         Les avantages baissent, tandis que les coûts augmentent. Coût global net • b 
Systèmes régionaux 
Petites îles Irréversibilité, ampleur, distribution, faible capacité d’adaptation           
   Recrudescence des inondations côtières et des dommages aux infrastructures en raison de l’élévation du niveau de la mer. ** 
Communautés indigènes, indigentes ou isolées Irréversibilité, distribution, déroulement, faible capacité adaptative Certaines communautés sont d’ores et déjà affectées ** c Le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer s’ajoutent aux autres facteurs de tension. ** Les communautés situées dans les zones côtières de basse altitude et dans des zones arides sont spécialement menacées. ** d 
Systèmes biologiques à l’échelle mondiale 
Ecosystèmes terrestres et biodiversité Irréversibilité, ampleur, faible capacité adaptative, persistance, rythme du changement, fiabilité Beaucoup d’écosystèmes sont déjà affectés. *** env. 20-30% des espèces en risque croissant d’extinction •   Extinctions massives à l’échelle du globe 
         Tendance de la biosphère terrestre à devenir une source de carbone nette 
Ecosystèmes marins et biodiversité Irréversibilité, ampleur, faible capacité adaptative, persistance, rythme du changement, fiabilité Recrudescence du blanchissement des coraux. ** La plupart des coraux ont blanchi. ** Mort des coraux à grande échelle. **       
Systèmes géophysiques 
Inlandsis Groenlandais Ampleur, irréversibilité, faible capacité adaptative, fiabilité Déglaciation localisée (déjà observée en raison du réchauffement local), l’étendue augmenterait avec la température. *** e Engagement vers une déglaciation très répandue ** ou quasi totale **, montée du niveau de la mer de 2 à 7 m au cours des siècles ou des millénaires. *  déglaciation quasi totale ** e 
Circulation thermohaline Ampleur, persistance, distribution, déroulement, capacité adaptative, fiabilité Variations comprenant un affaiblissement régional (déjà observé mais aucune tendance identifiée) f Affaiblissement considérable. ** Engagement à un changement persistant à grande échelle comprenant un possible refroidissement dans les régions de haute latitudes septentrionales près du Groenland et de l’Europe du nord-ouest •, très dépendant du rythme du changement climatique. 
Risque issu des événements extrêmes 
Intensité des cyclones tropicaux Ampleur, déroulement, distribution Augmentation de la prévalence des tempêtes de catégories 4-5 */**, aux impacts exacerbés par l’élévation du niveau de la mer Poursuite de l’intensification des cyclones tropicaux */** 
Sécheresse Ampleur, déroulement Recrudescence des sécheresses extrêmes, de 1 à 30% des zones terrestres (scénario A2) * i Régions de latitude moyenne sévèrement affectées par une migration des modes annulaires d’oscillation des pressions atmosphériques ** j 

On peut lier les vulnérabilités-clés à des seuils systémiques où des processus non linéaires poussent un système à se déplacer d’un état prépondérant à un autre (comme un hypothétique changement brusque des moussons asiatiques ou la désintégration de la nappe glaciaire ouest-antarctique ou des rétroactions positives en provenance des écosystèmes qui, d’absorbeurs de CO2, deviendraient des émetteurs). D’autres vulnérabilités-clés peuvent être associées avec des « seuils normatifs » définis par les parties prenantes ou les décideurs (par exemple une certaine ampleur de l’élévation du niveau de la mer qui ne serait plus jugée acceptable par les habitants des zones côtières de faible altitude) [19.1.2].

Des degrés croissants de changement climatique aboutiraient à des impacts associés à un nombre de vulnérabilités-clés plus important et certaines vulnérabilités-clés ont été liées au changement climatique observé.

Les changements climatiques observés jusqu’en 2006 ont été mis en relations avec certains impacts qu’on peut lier aux vulnérabilités-clés. Parmi ces derniers, l’augmentation de la mortalité humaine liée aux événements météorologiques extrêmes, et la recrudescence des problèmes découlant de la fonte du pergélisol , du recul des glaciers et de l’élévation du niveau de la mer [19.3.2, 19.3.3, 19.3.4, 19.3.5, 19.3.6].

Une hausse de la température moyenne mondiale allant jusqu’à 2°C au-dessus du niveau de la période 1990-2000 exacerberait les vulnérabilités-clés actuelles telle que celles qui figurent ci-dessus (confiance élevée), et en causerait d’autres, comme une baisse de la sécurité alimentaire dans beaucoup de nations de basse latitude (confiance moyenne). En même temps, certains systèmes comme la productivité agricole globale aux latitudes moyennes à élevées pourraient en profiter (confiance moyenne) [19.3.1, 19.3.2, 19.3.3].

Une augmentation moyenne de la température mondiale de 2° à 4°C au-dessus du niveau de la période 1990-2000 aboutirait à une recrudescence des impacts-clés à toutes les échelles (confiance élevée), comme une perte très répandue de biodiversité, une productivité agricole mondiale en baisse, et un processus aboutissant à la déglaciation des inlandsis Groenlandais (confiance élevée) et de l’Antarctique ouest (confiance moyenne) [19.3.1, 19.3.4, 19.3.5].

Des variations de température moyenne mondiale dépassant 4°C au-dessus du niveau de la période 1990-2000 aboutiraient à des augmentations de vulnérabilité majeures (confiance très élevée) dépassant les capacités d’adaptation de nombreux systèmes (confiance très élevée) [19.3.1].

Des régions qui sont déjà à risque d’après la variabilité et le changement climatique observés seront probablement davantage affectées dans l’avenir proche, en raison des changements climatiques projetés et des augmentations de l’ampleur et / ou de la fréquence d’événements extrêmes déjà extrêmement lourds de dégâts [19.3.6, 19.4.1].

Les « sujets de préoccupation » identifiés dans la troisième Evaluation demeurent un cadre valable pour considérer les vulnérabilités-clés. Des recherches récentes ont mis à jour les découvertes de la troisième Evaluation.

Systèmes uniques et menacés

On dispose de preuves nouvelles et plus solides des impacts dommageables observés jusqu’à aujourd’hui sur des systèmes uniques et menacés. On peut dire avec une plus grande confiance qu’une augmentation de la température moyenne mondiale de 1° à 2°C au-dessus du niveau de 1990 générerait des risques significatifs pour de nombreux systèmes uniques et menacés, y compris de nombreux sites particuliers pour leur biodiversité [19.3.7].

Evénements extrêmes

On dispose de nouvelles preuves que le changement climatique observé a déjà accru le risque de certains événements extrêmes tels que les canicules, et il est probable que le réchauffement ait contribué à l’intensification de certains cyclones tropicaux, avec des niveaux variés de conséquences dommageables, proportionnels à la hausse de la température [19.3.7].

Distribution des impacts

La fiabilité est encore haute que la distribution des impacts climatiques sera inégale, et que les zones de basse latitude et les zones les moins développées seront généralement les plus en danger. Cependant, des travaux récents ont démontér que la vulnérabilité au changement climatique est aussi très variable au sein des différents pays. En conséquence, certains groupes de population dans les pays industrialisés sont aussi très vulnérables. [19.3.7].

Impacts agrégés

On dispose de preuves que les avantages initiaux du changement climatique pour le marché atteindront un apogée plus rapide et moins élevé que les estimations du troisième Rapport d’évaluation, et que les dommages issus de fortes variations de température mondiale moyennes seront plus importants que l’on pensait. Le changement climatique pourrait avoir des effets dommageables sur des centaines de millions de personnes en raison de l’augmentation du risque d’inondations, de la réducation de l’accès à l’eau, de l’augmentation du risque de malnutrition et d’exposition aux maladies sensibles au climat. [19.3.7].

Singularités à grande échelle

Depuis la troisième Evaluation, la littérature s’est enrichie d’indications plus spéfiques sur les possibles seuils de déglaciation partielle ou presque complète des nappes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique ouest. Il y a une fiabilité moyenne dans le fait qu’une fonte au moins partielle de l’inlandsis Groenlandais se produira dans les siècles ou millénaires à venir suite à une augmentation de la température moyenne mondiale de 1° à 4°C (en base 1990-2000), et il est possible que la même chose arrive dans l’ouest de l’Antarctique, provoquant un déversement d’eau et une montée du niveau de la mer de 4 à 6 m ou davantage [WGIAR4 6.4, 10.7.4.3, 10.7.4.4; 19.3.5.2].