RT.4.5 Les réponses climatiques au forçage radiatif
Dans le présent rapport, la spécification d’une amplitude probable et d’une valeur la plus probable pour la réactivité climatique à l’équilibre représente un progrès significatif dans le but de quantifier la réponse du système climatique au forçage radiatif, par rapport au TRE, et une victoire sur les obstacles à la compréhension qui ont persisté au cours des 30 dernières années. Une fourchette de réactivité climatique à l’équilibre – le réchauffement mondial moyen à l’équilibre escompté si la concentration de CO2 se maintient à une valeur égale au double de la concentration de l’ère préindustrielle (550 ppm environ) – a été bornée par le TRE entre 1,5°C et 4,5°C. Jusqu’à présent, il n’a pas été possible de fournir une meilleure estimation ou d’estimer la probabilité que la réactivité climatique puisse sortir de la fourchette mentionnée ci-dessus. Plusieurs approches sont utilisées dans cette évaluation pour préciser la réactivité climatique, y compris l’usage des MCGAO, l’examen de l’évolution transitoire de la température (à la surface, dans la haute atmosphère et dans les océans) au cours des 150 dernières années et l’examen des réactions à court terme du système climatique mondial face aux changements induits par le forçage causé par les éruptions volcaniques (cf. fig. RT.25). Ces démarches sont complétées par des estimations basées sur des études paléoclimatiques comme la reconstitution des relevés de température sur l’hémisphère nord au cours du dernier millénaire et au cours du DMG. De grands ensembles de simulations basées sur des modèles climatiques ont démontré la capacité des modèles à préciser la réactivité climatique en simulant le climat actuel. {8.1, 8.6, 9.6, Encart 10.2}
L’analyse des modèles et la précision issue des observations suggèrent que la réactivité climatique à l’équilibre se situe probablement dans une fourchette allant de 2°C à 4,5°C, avec une meilleure-estimation à environ 3°C. Il est très improbable qu’elle soit inférieure à 1,5°C. Des valeurs substantiellement supérieures à4,5°C ne peuvent pas être exclues, mais la concordance avec les observations n’est pas aussi bonne avec ces valeurs. Les fonctions de densité de la probabilité dérivées d’informations différentes et d’approches diverses forment généralement une longue queue de probabilités en direction des valeurs élevées, supérieures à 4,5°C. L’analyse de l’évolution du climat et du forçage au cours des siècles écoulés et les études basées sur des ensembles de modèles n’excluent pas que la réactivité du climat se situe à 6°C ou plus. L’un des facteurs à l’œuvre est la possibilité de petits forçages radiatifs nets au cours du XXe siècle si les effets de refroidissement des aérosols se situaient en haut de leur fourchette d’incertitude, annulant ainsi la plus grande part du forçage positif issu des gaz à effet de serre. Cependant, il n’y a pas de manière bien établie permettant d’estimer une seule fonction distributive de probabilité en se basant sur des résultats particuliers basés sur les différents postulats de chaque étude. Le fait qu’on ne puisse pas définir une borne supérieure aux hautes réactivités climatiques fait qu’il n’est pas possible de spécifier une ligne séparatrice correspondant au 95e centile, ou une fourchette de haute probabilité de la réactivité climatique. {Encart 10.2}
On dispose aujourd’hui d’une confiance accrue dans la compréhension des processus climatiques clés qui sont importants pour la réactivité climatique, grâce aux progrès réalisés dans les analyses, aux comparaisons des modèles entre eux et aux observations. Les variations de vapeur d’eau dominant les rétroactions qui ont un impact sur la réactivité climatique sont mieux comprises. De nouvelles preuves scientifiques issues de l’observation et de la modélisation vont nettement en faveur d’une rétroaction combinée entre la vapeur d’eau et le gradient adiabatique d’une force analogue à celle qu’on peut trouver dans les modèles de circulation générale (MCG), c’est-à-dire d’environ 1 W m–2 par degré d’augmentation de la température mondiale, ce qui correspond à une amplification d’environ 50% du réchauffement mondial moyen. Des MCG de ce genre ont montré leur capacité à simuler des variations dans l’hygrométrie dans des horizons allant de la saison à plusieurs décennies au sein de la haute troposphère au-dessus de la terre comme au-dessus de l’océan, et ont simulé avec succès les températures constatées au niveau de la terre et les variations hygrométriques associées aux éruptions volcaniques. Des rétroactions liées aux nuages (en particulier aux nuages bas) sont encore la plus grande source d’incertitude. On a montré que les rétroactions cryosphériques, comme les variations de la couverture neigeuse, ont moins d’influence sur les estimations des modèles de réactivité du climat que la rétroaction des nuages ou de la vapeur d’eau, mais ils peuvent jouer un rôle important pour les réponses climatiques au niveau régional à des altitudes moyennes à hautes. Une nouvelle comparaison de modèles laisse à penser que les différences dans les formulations de transferts radiatifs influent aussi sur la fourchette. {3.4, 8.6, 9.3, 9.4, 9.6, 10.2, Encart 10.2}
Une quantification améliorée de la réactivité climatique permet une évaluation des meilleures-estimations de température et de fourchettes à l’équilibre auxquelles on peut s’attendre si les concentrations de CO2 se stabilisent à tel ou tel niveau, selon des considérations basées sur l’équilibre moyen de l’énergie au niveau mondial (v. Tableau RT.5). Tout comme dans l’estimation de la réactivité climatique, une borne supérieure très probable ne peut pas être fixée. Il convient de noter qu’il y a des limites aux concepts de forçage radiatif et de réactivité climatique. Seuls de rares MCGAO ont pu atteindre l’équilibre lorsque d’importantes concentrations de CO2 ont été paramétrées, et certains résultats indiquent que les rétroactions climatiques pourraient changer sur le long terme, aboutissant à des déviations substantielles par rapport aux estimations du réchauffement basées sur la réactivité climatique telle qu’on la déduit des modèles océaniques de mélange des couches et des changements climatiques du passé. {10.7}
Tableau RT.5. Meilleure estimation, fourchettes probables et bornes inférieures très probables de l’augmentation mondiale moyenne à l’équilibre de la température à la surface de la terre (°C) en fonction de différents niveaux de forçage radiatif en équivalents-CO2, dérivées de la réactivité climatique.
Équilibre CO2–éq (ppm) | Augmentation de température (°C) |
---|
Meilleure estimation | Très probablement supérieure à | Probablement dans la fourchette |
---|
350 | 1,0 | 0,5 | 0,6–1,4 |
450 | 2,1 | 1,0 | 1,4–3,1 |
550 | 2,9 | 1,5 | 1,9–4,4 |
650 | 3,6 | 1,8 | 2,4–5,5 |
750 | 4,3 | 2,1 | 2,8–6,4 |
1000 | 5,5 | 2,8 | 3,7–8,3 |
1200 | 6,3 | 3,1 | 4,2–9,4 |
La concordance entre les modèles servant à la projection des changements climatiques passagers s’est aussi améliorée depuis le TRE. La fourchette des réponses climatiques passagères (qu’on définit comme la moyenne mondiale de la température de l’air à la surface de la terre pendant une période de 20 ans, centrée sur le doublement expérimental du taux d’augmentation du CO2 initialement fixé à 1% an–1) parmi les modèles est moindre que la fourchette à l’équilibre de la réactivité climatique. Ce paramètre est mieux borné par les ensembles multi-modèles et par les comparaisons entre les observations. Il est très probable qu’il soit supérieur à 1°C et très improbable qu’il soit supérieur à 3°C. La réponse climatique passagère est liée de façon non linéaire à la réactivité ; ainsi les hautes réactivités ne se manifestent pas immédiatement dans les réponses à court terme. Les réponses climatiques passagères sont fortement affectées par le rythme de réchauffement des océans. Bien que les modèles océaniques aient été améliorés, les distorsions systématiques dans les modèles et le fait que les données concernant la température des océans – pour évaluer le réchauffement passager des océans – soient limitées, affecte la précision des estimations actuelles. {8.3, 8.6, 9.4, 9.6, 10.5}
Encart RT.8. Hiérarchisation des modèles climatiques mondiaux
Les estimations des variations de la température mondiale et du niveau de la mer imputables à la dilatation thermique peuvent être conduites en utilisant des Modèles climatiques simples (MCS) qui représentent le système atmosphère-océan sous la forme d’ensembles à l’échelle mondiale ou hémisphérique, et qui prédisent la température mondiale à la surface de la terre en utilisant une équation d’équilibre énergétique, une valeur fixée à l’avance pour chiffrer la réactivité du climat et une représentation basique du réchauffement océanique. Des modèles de ce type peuvent aussi être combinés à des modèles combinés des cycles biogéochimiques et permettent une estimation rapide de la réponse climatique à toute une série de scénarios d’émissions. {8.8, 10.5}
Les modèles de système terrestre de complexité intermédiaire (MTCI) tiennent compte de la dynamique de la circulation atmosphérique et océanique et de son paramétrage, et comprennent souvent des représentations des cycles biogéochimiques, mais elles se rapportent souvent à une échelle spatiale moindre. Ces modèles peuvent être utilisés pour la recherche relative aux changements climatiques à l’échelle continentale ainsi que pour les effets de couplage à long terme et à grande échelle entre différents composants du système terrestre utilisant de grands ensembles des phénomènes étudiés par le modèle, ou encore pour des modèles s’étalant sur plusieurs siècles.
En utilisant les MCS et comme les MTCI, on peut échantillonner les espaces de paramétrage de manière chiffrée précise, en tenant compte des incertitudes des paramètres dérivées par la comparaison avec des modèles climatiques plus exhaustifs, avec les observations et en utilisant le jugement d’experts. C’est ainsi que ces deux types de modèles conviennent bien à la mise au point de projections probabilistes du climat futur et permettent une comparaison entre « l’incertitude liée à la réponse » qui provient de l’incertitude des paramètres du modèle climatique et « l’éventail des scénarios » issu de l’éventail des scénarios d’émissions pris en compte. Les modèles terrestres de complexité intermédiaire ont été évalué plus en profondeur qu’auparavant et soumis à des exercices comparatifs qui ont démontré qu’ils étaient utiles pour l’examen de questions qui impliquent l’usage d’échelles temporelles longues ou qui rendent nécessaires de vastes ensembles de simulations. {8.8, 10.5, 10.7}
Les modèles de changements climatiques les plus complets sont les MCGAO. Ces derniers comprennent des composants dynamiques qui retracent les processus atmosphériques, océaniques et terrestres de même que la glace marine et d’autres composants encore. Beaucoup de progrès ont été faits depuis le TRE (voir l’Encart RT.7), et plus de 20 modèles issus de différents centres sont disponibles pour effectuer des simulations climatiques. Bien que les dynamiques à grande échelle de ces modèles soient très complètes, le paramétrage est encore utilisé pour y faire figurer des processus physiques non résolus, tels que la formation des nuages et des précipitations, le mélange des eaux océaniques par les ondes et la formation de masses d’eau, etc. L’incertitude du paramétrage est la principale raison pour laquelle les projections climatiques diffèrent suivant le MCGAO utilisé. Bien que la précision des MCGAO s’améliore rapidement, ce modèle est souvent inapte à retracer la structure des variables climatiques de nombreuses régions à petite échelle. Dans ce cas-là, les résultats du MCGAO peuvent être utilisés dans des modèles relatifs à des zones limitées (ou au climat d’une région) qui présentent l’avantage de combiner une exhaustivité du rendu des processus comparable à celle obtenue par les MCGAO avec une résolution spatiale bien plus élevée. {8.2}