IPCC Fourth Assessment Report: Climate Change 2007
Rapport du Groupe de travail III - L’atténuation du changement climatique

Description et évaluation des technologies et pratiques d’atténuation, options et potentiels, coûts et durabilité

Les technologies existantes de gestion des déchets peuvent atténuer les émissions de GES de ce secteur – une large palette de stratégies matures, de technicité basse à haute, efficaces d’un point de vue environnemental sont commercialement disponibles pour atténuer les émissions et dégager des avantages associés pour la santé et la sécurité publiques, la protection des sols, la prévention de la pollution et l’approvisionnement énergétique local. Collectivement, ces technologies peuvent réduire directement les émissions de GES (via l’extraction et l’utilisation du CH4 de décharge, des pratiques de décharge améliorées, la gestion contrôlée des eaux usées, l’utilisation de biogaz de digestion anaérobie) ou éviter de générer une quantité significative de GES (via le compostage contrôlé des déchets organiques, l’incinération de dernière génération, l’extension de la couverture de l’assainissement). En outre, la réduction des déchets à la source, le recyclage et la réutilisation représentent un potentiel important et croissant de réduction indirecte des émissions de GES via la conservation des matériaux bruts, l’amélioration de l’efficacité énergétique en termes de ressources et l’évitement des combustibles fossiles. Pour les pays en voie de développement, la gestion des déchets responsable du point de vue environnemental, à un niveau technologique approprié, promeut le développement durable et améliore la santé publique (bon accord, nombreuses mises en évidence) [10.4].

Parce que les décisions de gestion des déchets sont souvent prises localement sans quantification correspondante de l’atténuation des GES, l’importance du secteur des déchets dans la réduction des émissions de GES au niveau mondial a été sous-estimée (bon accord, mises en évidence moyennement nombreuses) [10.1; 10.4]. Des stratégies flexibles et des incitations financières peuvent étendre les options de gestion de déchets pour aboutir à des objectifs d’atténuation des GES – dans le contexte de la gestion intégrée des déchets, les décisions technologiques locales sont fonction de nombreuses variables en concurrence, y compris la quantité et les caractéristiques des déchets, le coût et les questions de financement, les contraintes réglementaires et les nécessités infrastructurelles, y compris la superficie de terrain disponible et les considérations liées à la collecte et au transport. Une estimation de cycle de vie (ECV) peut fournir des outils de soutien à la décision (bon accord, nombreuses mises en évidence) [10.4].

Les émissions de CH4 de décharge sont directement réduites par l’intermédiaire de l’extraction contrôlée des gaz et de systèmes de récupération constitués de puits verticaux et/ou de collecteurs horizontaux. De plus, les gaz de décharge contrebalancent l’usage des combustibles fossiles pour le chauffage des processus industriels ou commerciaux, pour la production d’électricité sur site ou en tant que matière première pour synthétiser des combustibles de gaz naturel. La récupération commerciale du CH4 de décharge s’est mise en place à plein régime depuis 1975 avec l’utilisation documentée, en 2003, de 1150 centrales récupérant 105 MtCO2-éq / an. En raison du fait qu’il y a aussi de nombreux projets qui brûlent les gaz en torchère sans les utiliser, la récupération totale serait probablement le double de ce chiffre au moins (bon accord, mises en évidence moyennement nombreuses) [10.1; 10.4]. Une régression linéaire utilisant les données historiques allant du début des années 1980 à 2003 indiquent un rythme de croissance du CH4 de décharge d’environ 5% par an. Outre la récupération du gaz de décharge, la continuation du développement et la mise en place de « couvertures biologiques » des décharges peut représenter une stratégie biologique complémentaire à bas coût pour atténuer les émissions puisque les émissions de CH4 de décharge (et de composés organiques volatils non méthaniques (COVNM) sont aussi réduites par l’oxydation microbienne aérobie dans les sols de couverture de décharge (bon accord, nombreuses mises en évidence) [10.4].

L’incinération et la co-combustion industrielles à des fins de valorisation énergétique des déchets dégage des avantages associés significatifs en termes d’énergie renouvelable et de commutation des combustibles fossiles pour >600 centrales dans le monde, tout en produisant des émissions de GES très faibles par rapport aux décharges. Les processus thermiques pourvus de contrôles d’émissions avancés sont une technologie qui a fait ses preuves, mais qui reste plus coûteuse que la mise en décharge avec extraction des gaz de décharge (bon accord, mises en évidence moyennement nombreuses) [10.4].

Les processus biologiques contrôlés peuvent aussi être à la source d’importantes stratégies d’atténuation des GES, de préférence lorsqu’ils se basent sur des flux de déchets séparés à la source. Le compostage aérobie des déchets évite de générer des GES et c’est une stratégie adéquate pour beaucoup de pays développés et de pays en voie de développement, en tant que processus isolé ou en faisant partie intégrante d’un traitement biomécanique. Dans de nombreux pays en voie de développement, notamment la Chine et l’Inde, la digestion anaérobie à petite échelle et basse technicité a aussi été pratiquée depuis des décennies. Comme les centrales d’incinération et les stations de compostage de haute technologie se sont montrées non durables dans un certain nombre de pays en voie de développement, le compostage ou la digestion anaérobie à plus faible niveau de technicité peuvent être mis en place pour fournir des solutions durables de gestion des déchets (bon accord, mises en évidence moyennement nombreuses) [10.4].

Pour 2030, le potentiel économique de réduction total pour les émissions de CH4 des déchets mis en décharge à des coûts de <20 US$ / tCO2-éq va de 400 à 800 MtCO2-éq. De ce total, 300 à 500 MtCO2-éq / an ont des coûts négatifs (Tableau RT.14). À long terme, si le prix de l’énergie continue à monter, il y aura des changements plus profonds dans les stratégies de gestion des déchets liées à l’énergie et à la récupération des matériaux, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. Les processus thermiques, qui montrent des coûts unitaires supérieurs à ceux de la mise en décharge, deviennent plus viables à mesure que le prix de l’énergie monte. Parce que les décharges continueront à produire du CH4 pour de nombreuses décennies, les processus thermiques et biologiques sont complémentaires pour améliorer l’extraction de gaz de décharge sur des périodes plus brèves (bon accord, mises en évidence limitées) [10.4].

Tableau RT.14 : Intervalles du potentiel économique d’atténuation pour les émissions régionales de CH4 de décharge à divers catégories de coûts en 2030, v. les Notes [Tableau 10.5].

Région  Emissions projetées en 2030 (MtCO2-éq) Potentiel d’atténuation économique total à < 100 US$/tCO2-éq (MtCO2-éq) Potentiel d’atténuation économique (MtCO2-éq) À divers niveaux de coût du carbone (US$/tCO2-éq) 
<0 0-20 20-50 50-100 
OCDE  360 100-200 100-120 20-100 0-7 
EET 180 100 30-60 20-80 1-10 
Hors OCDE 960 200-700 200-300 30-100 0-200 0-70 
Monde 1500 400-1000 300-500 70-300 5-200 10-70 

Notes :

1. Les coûts et les potentiels de l’atténuation des eaux usées ne sont pas disponibles.

2. Les chiffres régionaux sont arrondis pour refléter l’incertitude des estimations et leur total peut ne pas être égal au chiffre mondial.

3. Le piégeage du carbone en décharge n’est pas pris en considération.

4. Le déroulement des mesures qui limitent l’utilisation des décharges affecte le potentiel annuel d’atténuation en 2030. Les limites supérieures postulent que le placement en décharges est limité, dans les années à venir, à 15% des déchets produits à l’échelle mondiale. La limite inférieure reflète un déroulement plus réaliste de mise en place des mesures qui réduisent la mise en décharge.

Pour les eaux usées, l’amélioration du niveau général de l’assainissement dans les pays en voie de développement peut dégager de multiples avantages pour l’atténuation des GES, l’amélioration de la santé publique, la conservation des ressources hydriques et la réduction des rejets non traités dans l’eau et dans les sols. Historiquement, l’assainissement urbain dans les pays développés s’est concentré sur des centrales d’épuration et de traitement des eaux usées centralisées, qui sont trop chères pour les zones rurales où la densité de population est moindre et qui peuvent ne pas être pratiques à mettre en place dans les zones périurbaines à développement rapide et à haute densité de population. On a montré qu’une combinaison de technologies à bas coût avec des efforts concentrés pour gagner l’acceptation, la participation et la gestion de la communauté peut étendre avec succès la zone couverte par l’assainissement. Les eaux usées sont aussi une ressource secondaire d’eau pour les pays qui en manquent, là où la réutilisation et le recyclage de l’eau pourraient aider de nombreux pays, développés comme en voie de développement, qui souffrent d’intermittences dans leur approvisionnement en eau. Ces mesures encouragent aussi des centrales de traitement des eaux usées plus petites, avec des charges en matières nutritives moindres et des émissions de GES plus faibles en termes relatifs. Aucune estimation des coûts et des potentiels globaux ou régionaux de l’atténuation des eaux usées n’est disponible actuellement (bon accord, abondance de preuves) [10.4].