IPCC Fourth Assessment Report: Climate Change 2007
Rapport du Groupe de travail III - L’atténuation du changement climatique

Instruments de politique nationale, leur mise en place et leurs interactions

La littérature continue à refléter le fait qu’une grande variété de politiques et de mesures nationales sont à la disposition des gouvernements pour limiter ou réduire les émissions de GES. Ces dernières comprennent les normes et les règlements, les taxes et les redevances, les permis négociables, les accords volontaires, la disparition des subventions et la création d’incitations financières, les instruments de recherche et de développement et d’information. D’autres politiques publiques, comme celles qui ont un impact sur le commerce, sur les investissements internationaux directs ou sur des objectifs de développement social peuvent aussi avoir un impact sur les émissions de GES. En général, les politiques liées aux changements climatiques, si elles sont intégrées à d’autres politiques gouvernementales, peuvent contribuer au développement durable dans les pays développés comme dans les pays en voie de développement [v. chapitre 12] [13.1].

La réduction des émissions de tous les gaz dans tous les secteurs doit reposer sur un portefeuille de politiques taillées sur mesure pour correspondre aux circonstances nationales spécifiques. Alors que la littérature identifie les avantages et les désavantages de chaque instrument donné, les critères mentionnés ci-dessus sont largement utilisés par les décideurs politiques pour choisir et évaluer les politiques publiques. Tous les instruments peuvent être bien ou mal conçus, astreignants ou laxistes. Il faut que les instruments soient ajustés à travers le temps et encadrés par un système de suivi et d’entrée en force utilisable. De plus, les instruments peuvent interagir avec les institutions et le cadre législatif existant dans les autres secteurs de la société (bon accord, nombreuses mises en évidence) [13.1].

La littérature contient une quantité importante d’informations permettant d’évaluer avec quel succès les différents instruments se comportent par rapport aux quatre critères mentionnés ci-dessus (v. Tableau RT.20) [13.2]. Particulièrement, elle laisse à penser que :

  • Les mesures réglementaires et les normes fournissent généralement une certitude environnementale. Ils peuvent être préférables lorsqu’un manque d’information ou d’autres obstacles empêchent les firmes et les consommateurs de répondre aux signaux-prix. Les normes réglementaires ne comprennent généralement pas d’incitation à l’intention des pollueurs pour développer de nouvelles technologies réduisant la pollution, mais il y a quelques exemples où l’innovation technologique a été suscitée par les normes réglementaires. Bien que relativement peu de normes réglementaires aient été adoptées exclusivement pour réduire les émissions de GES, les normes ont réduit ces gaz à titre d’avantage associé (bon accord, nombreuses mises en évidence) [13.2].
  • Les taxes et redevances (qui peuvent être appliquées au dioxyde de carbone ou à tous les GES) ont été bien notées du point de vue de la rentabilité-coût parce qu’elles fournissent une certaine assurance quant au coût marginal du contrôle de la pollution. Elles ne peuvent pas garantir un niveau particulier d’émissions, mais, conceptuellement, les taxes peuvent être conçues pour être efficaces d’un point de vue environnemental. Les taxes peuvent être difficiles à imposer et à ajuster, d’un point de vue politique. Comme pour les normes réglementaires, leur efficacité environnementale dépend de leur caractère astreignant. Comme pour avec presque tous les autres instruments politiques, il est nécessaire de faire preuve de prudence pour prévenir les effets pervers (bon accord, nombreuses mises en évidence) [13.2].
  • Les permis négociables sont un instrument économique jouissant d’une popularité croissante pour contrôler les polluants environnementaux et les GES aux niveaux sectoriel, national et international. Le volume des émissions autorisées détermine le prix du carbone et l’efficacité environnementale de cet instrument, tandis que la distribution des autorisations a des implications en matière de compétitivité. L’expérience a montré que les stocks accumulés peuvent fournir une flexibilité temporelle significative et que les dispositions d’application de la loi doivent être conçues avec prudence, si un système de permis veut être efficace (bon accord, nombreuses mises en évidence). L’incertitude sur le prix de la réduction des émissions dans un système d’échange de permis rend a priori difficile d’estimer le coût total pour atteindre l’un ou l’autre des objectifs de réduction [13.2].
  • Les accords volontaires entre l’industrie et les gouvernements et les campagnes d’information sont politiquement séduisants, favorisent la prise de conscience des parties prenantes et ont joué un rôle dans l’évolution de beaucoup de politiques nationales. La majorité des accords volontaires n’ont pas abouti sur des réductions d’émissions significativement au-dessus des niveaux de « la-machine-continue-de-tourner ». Cependant, certains accords récents dans quelques pays ont accéléré la mise en place des meilleures technologies disponibles et elles ont abouti à des réductions d’émissions mesurables en comparaison avec les chiffres de référence (bon accord, nombreuses mises en évidence). Les facteurs de succès comprennent des objectifs clairs, un scénario de référence, l’implication de tiers dans la conception et la révision, et des dispositions formelles de suivi [13.2].
  • Actions volontaires : les compagnies privées, les gouvernements sub-nationaux, les ONG et les groupes issus de la société civile adoptent toute une variété d’actions volontaires, indépendantes des autorités gouvernementales, qui peuvent limiter les émissions de GES, stimuler les politiques innovantes et encourager le déploiement de nouvelles technologies. En soi, elles ont généralement un impact limité au niveau national ou régional [13.2].
  • Les incitations financières (subventions et crédits d’impôt) sont fréquemment utilisées par les gouvernements pour stimuler la diffusion de nouvelles technologies, émettant moins de GES. Alors que les coûts économiques des programmes de ce genre sont généralement plus importants que pour les instruments mentionnés auparavant, ils sont souvent cruciaux pour surmonter les obstacles à la pénétration de nouvelles technologies (bon accord, nombreuses mises en évidence). Comme pour les autres politiques, les programmes d’incitations doivent être conçus avec prudence pour éviter les effets pervers du marché. Des subventions directes ou indirectes pour l’utilisation des combustibles fossiles et l’agriculture restent très répandues dans de nombreux pays, bien que celles qui s’adressent au charbon aient décliné au cours de la dernière décennie dans ne nombreux pays de l’OCDE et dans certains payée en voie de développement [voir aussi les chap. 2, 7, 11] [13.2].
  • Le soutien gouvernemental à la recherche et au développement est un type d’incitation spécial qui peut se révéler important pour s’assurer que les technologies émettant peu de GES resteront disponibles dans le long terme. Cependant, le financement public de nombreux programmes de recherche sur l’énergie a chu après les chocs pétroliers des années 1970 et il est ensuite resté constant, même après la ratification de la CCNUCC. Des investissements complémentaires substantiels dans, et des politiques publiques pour, la R&D sont nécessaires pour s’assurer que les technologies sont prêtes pour leur commercialisation pour aboutir à la stabilisation des GES dans l’atmosphère [v. Chapitre 3], de même que des instruments économiques et réglementaires pour promouvoir leur déploiement et leur diffusion (bon accord, nombreuses mises en évidence) [13.2].
  • Les instruments informatifs – parfois appelés nécessités de divulgation au public – peuvent avoir un impact positif sur la qualité environnementale en permettant aux consommateurs de faire des choix mieux informés. On n’a que des preuves limitées du fait que la fourniture d’information peut aboutir à des réductions d’émissions, mais cela peut améliorer l’efficacité d’autres politiques (bon accord, nombreuses mises en évidence) [13.2]

L’application d’un mélange d’instruments efficients d’un point de vue économique et efficaces d’un point de vue environnemental nécessite une bonne compréhension de la question environnementale qu’on essaie de résoudre, des liens avec les autres domaines politiques et les interactions entre les différents instruments du panier. En pratique, les politiques climatiques sont rarement appliquées en isolement complet, car elles recouvrent d’autres politiques nationales liées à l’environnement, à la foresterie, à l’agriculture, à la gestion des déchets, aux transports et à l’énergie et, dans de nombreux cas, nécessitent plus d’un instrument (bon accord, nombreuses mises en évidence) [13.2]

Tableau RT.20 : Instruments de politique environnementale nationale et critères d’évaluation [Tableau 13.1].

Instrument Critère 
Réalité de l’impact environnemental Rentabilité-coût Prend en compte les questions de distribution Faisabilité institutionnelle 
Règlements et normes Les niveaux d’émissions sont directement donnés, bien qu’avec des exceptions Dépend du report/ajournement et du contrôle de conformité Dépend de la conception; une application uniforme aboutit souvent à des coûts de contrôle de conformité plus élevés Dépend du niveau; les acteurs nouveaux ou petits peuvent être désavantagés Dépend de la capacité technique; populaire parmi les décideurs, dans les pays où les marchés en état de marche sont faibles 
Taxes et redevances Dépend de la capacité de fixer les taxes à un niveau qui stimule le changement de comportement Meilleur si l’application est large; coûts administratifs plus importants si les institutions sont faibles Régressif; peut être amélioré avec le recyclage du revenu dégagé Souvent impopulaire d’un point de vue politique; peut être difficile à faire entrer en force si les institutions sont sous-développées 
Permis négociables Dépend de la couverture d’émissions, de la participation et de la conformité Baisse avec la participation et avec le nombre de secteurs Dépend de l’allocation initiale de permis, peut poser des problèmes aux petits émetteurs Nécessite des marchés en bon état de marche et des institutions complémentaires 
Accords volontaires Dépend de la conception du programme, y compris des objectifs clairs, un scénario de référence, l’implication de tiers dans la conception et l’évaluation, et dans le suivi des dispositions Dépend de la flexibilité et de l’étendue des incitations gouvernementales, des primes et des pénalités Les avantages ne s’appliquent qu’aux participants Souvent populaires d’un point de vue politique; nécessite un personnel administratif important 
Subventions et autres incitations Dépend de la conception du programme; moins certaines que les réglementations et les normes Dépend du niveau et de la conception du programme; peut induire des distorsions du marché  Bénéficient à des participants choisis; possiblement à certains qui n’en auraient pas besoin Populaire parmi les destinataires; résistance potentielle de la part de capitaux investis. Peut être difficile à abroger 
Recherche et développement Dépend d’un financement cohérent, quand les technologies sont développées, et de politiques permettant la diffusion. Peut dégager de grands avantages sur le long terme Dépend de la conception du programme et du degré de risque Bénéficie initialement à des participants choisis. Il est possible que les fonds soient facilement mal alloués. Nécessite de nombreuses décisions séparées; dépend de la capacité de la recherche et du financement à long terme. 
Politiques d’information Dépend de comment les consommateurs utilisent l’information ; surtout efficaces en combinaison avec d’autres politiques A bas coût potentiellement, mais dépend de la conception du programme Peut être moins efficace pour certains groupes (à bas revenus par exemple) qui manquent d’accès à l’information Dépend de la coopération de certains groupes d’intérêt 

Note : Les évaluations sont basées sur le postulat que les instruments sont représentatifs des bonnes pratiques plutôt que théoriquement parfaits. Cette évaluation est essentiellement basée sur l’expérience et sur la littérature provenant des pays développés, car les articles soumis au jugement des pairs sur l’efficacité des instruments dans les autres pays étaient limités. L’applicabilité à des pays, des secteurs ou des circonstances particulières – particulièrement les pays en voie de développement et les économies en transition – peut montrer de grandes différences.