RT.5.5. Implications des processus climatiques et de leurs échelles temporelles pour les projections à long terme
Les changements climatiques engagés, après stabilisation du forçage radiatif, sont estimés à 0,5 à 0,6°C et la plus grande part d’entre eux se produiront au cours du siècle suivant. La moyenne multi-modèle obtenue en simulant le climat du XXe siècle puis en fixant la stabilisation de la concentration en gaz à effet de serre et en aérosols à leur niveau de l’an 2000, lorsqu’on la calcule sur les 100 années suivantes, aboutit à environ 0,6° de réchauffement (base : 1980–1999) en l’an 2100 (cf. fig. RT.32). Si les émissions du XXIe siècle se rapprochent des scénarios B1 ou A1B, avec une stabilisation subséquente à ces niveaux-là, le réchauffement additionnel après stabilisation sera comparable, d’environ 0,5°C, et interviendra principalement dans les cent années qui suivront. {10.3, 10.7}
La force de la rétroaction positive entre les changements climatiques et le cycle du carbone est incertaine. Cela mène à une incertitude sur la trajectoire du niveau des émissions de CO2 permettant d’aboutir à une stabilisation du niveau de concentration du CO2 atmosphérique. En se basant sur les connaissances actuelles de la rétroaction du cycle du carbone / climat, les études basées sur les modèles laissent à penser que, dans l’optique d’une stabilisation du CO2 à 450 ppm, les émissions cumulées au cours du XXIe siècle pourraient passer d’une moyenne modélisée d’environ 670 [630 à 710] GtC jusqu’à environ 490 [375 à 600] GtC. De la même manière, pour stabiliser le CO2 à 1000 ppm, les émissions cumulées pourraient être réduites par cette rétroaction et passer d’une moyenne modélisée de 1415 [1340 à 1490] GtC à environ 1100 [980 à 1250] GtC. {7.3, 10.4}
Si le forçage radiatif se stabilisait en 2100 aux concentrations du scénario A1B, la dilatation thermique, à elle seule, provoquerait une élévation du niveau de la mer de 0,3 à 0,8 m en 2300 (base 1980–1999) et continuerait à un rythme décroissant au cours de nombreux siècles, en raison de processus lents qui mélangent la chaleur dans les profondeurs des océans. {10.7}
La contraction de l’inlandsis groenlandais continuera, selon les projections, à contribuer à l’élévation du niveau de la mer après 2100. En postulant une stabilisation des concentrations selon A1B en 2100, l’élévation des eaux due à la dilatation thermique se poursuivra, selon les projections, à un rythme de 0,03 à 0,21 m par siècle. Si un réchauffement mondial moyen de 1,9°C à 4,6° par rapport aux températures de l’ère préindustrielle se maintenait pendant des millénaires, l’inlandsis du Groenland serait largement éliminé à l’exception de glaciers résiduels situés dans les régions montagneuses. Ce phénomène ferait monter le niveau de la mer d’environ 7 m et pourrait être irréversible. Ces températures sont comparables à celles inférées pour la dernière période interglaciaire, il y a 125 000 ans, dont les données paléoclimatiques suggèrent qu’elle a vécu une réduction de la couverture glaciaire des pôles et une élévation du niveau de la mer comprise entre 4 et 6 m. {6.4, 10.7}
Des processus dynamiques qui ne sont pas pris en compte par les modèles actuels, mais qui sont suggérés par les observations les plus récentes, pourraient augmenter la vulnérabilité des nappes glaciaires au réchauffement, en augmentant la future élévation du niveau de la mer. La compréhension de ces phénomènes est limitée et il n’y a pas de consensus sur leur ampleur probable. {4.6, 10.7}
Les études actuelles, basées sur des modèles à l’échelle mondiale, projettent que la nappe glaciaire antarctique restera trop froide pour être exposée à une fonte de surface généralisée et qu’elle augmentera sa masse en raison des chutes de neige. Cependant, une perte nette de masse glaciaire pourrait avoir lieu si l’écoulement dynamique de glace dominait le bilan de masse glaciaire. {10.7}
Aucun des calculs faits par les modèles utilisés dans la présente évaluation n’a permis de penser à un arrêt brutal de la circulation thermohaline au cours du XXIe siècle. Néanmoins, certains modèles de complexité moyenne laissent à penser qu’un arrêt de la CTH est une possible réponse de long terme à un réchauffement suffisamment important. La probabilité de cet événement ne peut pas être évaluée avec confiance. Les rares simulations disponibles, basées sur des modèles de complexité variable, laissent plutôt à penser un ralentissement à l’échelle du siècle. Le redémarrage de la CTH est probable si le forçage radiatif est stabilisé, mais il prendra plusieurs siècles. Des études comparant systématiquement les modèles ont permis d’établir l’existence de processus-clés qui sont responsables des variations constatées entre les différents modèles concernés par la réponse océanique aux changements climatiques (le réchauffement océanique en particulier). {8.7, FAQ 10.2, 10.3}