Implication des choix de développement pour l’atténuation des changements climatiques
Dans un monde hétérogène, la compréhension des différentes conditions et priorités régionales est essentielle pour injecter des politiques publiques relatives aux changements climatiques dans les stratégies du développement durable. Des études de cas spécifiques à une région ou à un pays ont démontré que les différents modèles et politiques de développement peuvent atteindre des réductions d’émissions importantes, selon leur capacité à réaliser la durabilité et les objectifs liés aux changements climatiques [12.3.).
Dans les pays industrialisés, les changements climatiques sont encore considérés principalement comme un problème environnemental distinct à traiter à l’aide de politiques climatiques spécifiques. Aucune discussion large et fondamentale sur les implications des modèles de développement sur les changements climatiques n’a été sérieusement lancée au sein de la société. Les domaines d’atténuation prioritaires pour les pays de ce groupe peuvent tourner autour de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables, du CCS, etc. Cependant, les modèles à basses émissions ne s’appliquent pas seulement aux choix énergétiques. Dans certaines région, le développement de l’utilisation des sols, particulièrement l’expansion des infrastructures, est identifié comme étant une variable-clé dans la détermination des futures émissions de GES [12.2.1, 12.3.1].
Les économies en transition ne forment plus un seul groupe en tant que telles. Néanmoins, l’Europe centrale et orientale et les pays d’Europe orientale, du Caucase et d’Asie Centrale (EOCAS) partagent réellement certains traits communs pour ce qui concerne le développement socio-économique, l’atténuation des changements climatiques et le développement durable. Les mesures permettant de découpler la croissance économique de la croissance des émissions seraient particulièrement importantes au sein de ce groupe-là [12.2.1, 12.3.1].
On projette que les émissions de certains grands pays en voie de développement croîtront à un rythme plus rapide que le monde industrialisé et que le reste des pays en voie de développement car ils se trouvent dans une phase d’industrialisation rapide. Pour ces pays, l’atténuation des changements climatiques et les politiques de développement durable peuvent se compléter les unes les autres ; cependant, des ressources financières et technologiques complémentaires amélioreraient leur capacité à poursuivre un modèle de développement sobre en carbone [12.2.1; 12.3.1].
Pour la plupart des autres pays en voie de développement, les capacités d’adaptation et d’atténuation sont faibles et l’aide au développement peut réduire leur vulnérabilité aux changements climatiques. Elle peut aussi contribuer à la réduction de la croissance de leurs émissions tout en traitant des problèmes de sécurité énergétique et d’accès à l’énergie. Le MDP peut fournir les ressources financières de tels développements. Les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) occupent une place à part dans le sens qu’ils peuvent être affectés négativement par les modèles de développement qui réduisent la demande en combustibles fossiles. La diversification de leurs économies occupe une place de premier rang dans leur agenda politique [12.2.1, 12.3.1].
Des conclusions générales émergent des études de cas passées en revue dans ce chapitre sur la façon dont les changements dans les modèles de développement au niveau sectoriel ont contribué (ou pourraient contribuer) à la baisse des émissions (bon accord, mises en évidence moyennement nombreuses) [12.2.4] :
- Les émissions de GES sont influencées par (mais pas liées de façon rigide à) la croissance économique : les choix politiques peuvent faire la différence.
- Les secteurs où la production effective se situe bien au-dessous du niveau maximum réalisable avec la même quantité d’entrants – c’est-à-dire, des secteurs qui sont loin de leur limite de production – ont des occasions d’adopter des politiques « gagnant-gagnant-gagnant », c’est-à-dire des politiques qui libèrent des ressources et stimulent la croissance, qui atteignent d’autres objectifs de développement durable et qui réduisent aussi les émissions de GES par rapport aux chiffres de référence.
- Les secteurs où la production est proche de l’optimum avec les entrants donnés – c’est-à-dire des secteurs qui sont proches de leur limite de production – ont l’occasion de réduire leurs émissions tout en atteignant d’autres objectifs de développement durable. Cependant, plus on s’approche de la limite de production, plus il est probable qu’il faille faire des choix.
- Ce qui compte, ce n’est pas seulement que le « bon » choix soit fait à un moment donné, mais aussi que les politiques choisies soient maintenues pendant longtemps – parfois plusieurs décennies – pour faire réellement effet.
- Il est souvent nécessaire non pas de prendre une décision politique, mais un faisceau de décisions pour influer sur les émissions. Cela pose le problème de la coordination entre politiques publiques entre plusieurs secteurs à diverses échelles.
La percolation rend nécessaire que les politiques, les programmes et/ou les actions individuelles non climatiques prennent en considération l’atténuation des changements climatiques, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. Cependant, il est improbable que le griffonnage hâtif des changements climatiques sur un agenda politique déjà existant ait du succès. La facilité ou la difficulté rencontrée par la percolation dans sa mise en place dépend aussi bien des pratiques et des technologies d’atténuation que du modèle de développement sous-jacent. Peser les autres avantages de développement par rapport aux bénéfices climatiques sera une base essentielle pour choisir les secteurs de développement sujets à percolation. Les décision portant sur la politique macro-économique, sur l’agriculture, les prêts des banques multilatérales de développement, les pratiques d’assurance, la réforme du marché de l’électricité, la sécurité énergétique et la conservation des forêts par exemples, qui sont souvent considérées à part des politiques climatiques, peuvent avoir des impacts profonds sur les émissions, sur l’étendue de l’atténuation nécessaire, et sur les coûts et bénéfices qui en résultent. Cependant, dans certains cas comme le glissement de la cuisson basée sur la biomasse à celle basée sur le gaz de pétrole liquéfié (GPL) dans les zones rurales des pays en voie de développement, il peut être rationnel de ne pas prendre en considération les aspects liés aux changements climatiques en raison de la faible augmentation des émissions comparée aux avantages développementaux (v. Tableau RT.18) (bon accord, mises en évidence moyennement nombreuses) [12.2.4].
Tableau RT.18 : Percolation des changements climatiques dans les choix de développement – exemples choisis [Tableau 12.3].
Secteurs choisis | Instruments politiques non climatiques et actions qui candidates à percolation | Décideurs et acteurs principaux | Emissions globales de GES qui pourraient être modifiées par des politiques non climatiques (% des émissions globales de GES) a, d | Commentaires |
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Macro-économie | Mettre en place des taxes / subventions non climatiques et / ou d’autres politiques fiscales et réglementaires de promotion du développement durable | Etat (tous niveaux de gouvernement) | 100 | Émissions de GES totales au niveau du globe | Combinaison de politiques économiques, réglementaires, infrastructurelles et non climatiques qui pourraient être utilisées pour traiter les émissions totales au niveau du globe. |
Foresterie | Adoption de pratiques de conservation et de gestion durable des forêts | Etat (tous niveaux de gouvernement) et société civile (ONG) | 7 | GHG emissions from deforestation | Legislation/regulations to halt deforestation, improve forest management, and provide alternative livelihoods can reduce GHG emissions and provide other environmental benefits. |
Electricité | Adoption de programmes rentables d’énergies renouvelables, de gestion de la demande, de réduction des pertes au niveau de la transmission et de la distribution | Etat (commissions législatives), marché (sociétés d’utilité publique) et société civile (ONG, organisations de consommateurs) | 20b | Émissions de CO2 du secteur de l’électricité (auto-producteurs non compris) | La part croissante de production d’électricité à haute intensité de GES est une préoccupation mondiale qui peut être traitée via des politiques non climatiques |
Importations de produits pétroliers | Diversification du panier de combustibles domestiques et importés et réduction de l’intensité énergétique de l’économie pour améliorer la sécurité énergétique | Etat et marché (industrie des combustibles fossiles) | 20b | Émissions de CO2 du secteur de l’électricité (auto-producteurs non compris) | La part croissante de production d’électricité à haute intensité de GES est une préoccupation mondiale qui peut être traitée via des politiques non climatiques |
Energie rurale dans les pays en voie de développement | Politiques de promotion du GPL, du kérosène et de l’électricité de cuisson en milieu rural | Etat et marché (sociétés d’utilité publique et sociétés pétrolières), société civile (ONG) | <2c | Émissions de GES issues de l’utilisation de combustibles issus de la biomasse, à l’exclusion des aérosols | La biomasse utilisée pour la cuisine en milieu rural a des impacts sur la santé en raison de la pollution de l’air intérieur, et rejette des aérosols qui contribuent au réchauffement climatique. Le remplacement de toute la biomasse utilisée pour la cuisine dans les pays en voie de développement avec du GPL émettrait 0,70 GtCO2-éq, un montant relativement modeste par rapport aux émissions totales mondiales en 2004. |
Assurances des secteurs de la construction et des transports | Primes différenciées, exclusions de couverture, meilleures conditions pour les produits verts | Etat et marché (compagnies d’assurance) | 20 | Émissions de GES des secteurs de la construction et des transports | L’augmentation des sinistres dus aux changements climatiques est une préoccupation pour les assureurs. Les assureurs pourraient y faire face grâce aux politiques ci-contre. |
Finance internationale | Stratégies par pays et par secteur et prêts par projet de réduction d’émissions | Etat (institutions financières internationales) et marché (banques) | 25b | Emissions de CO2 des pays en voie de développement (hors Annexe I) | Les institutions financières internationales peuvent adopter des pratiques qui permettent d’éviter d’octroyer des prêts à des pays à haute intensité en GES qui verrouillent les émissions futures dans les pays en voie de développement. |
De manière générale, il existe une grande convergence sur les conclusions qualitatives figurant dans ce chapitre à propos des liens entre atténuation et développement durable : les deux sont liés, et les synergies et les choix peuvent être identifiés. Cependant, la littérature qui traite de ces liens et plus particulièrement la façon dont ces liens peuvent être mis à l’œuvre pour capter les synergies et éviter les choix est encore restreinte. Les lignes directrices de bonnes pratiques pour l’intégration des considérations de changements climatiques dans les politiques non climatiques pertinentes, y compris l’analyse des rôles des différents acteurs, souffrent de la même tare. L’élaboration de modèles de développement possibles que les nations et les régions peuvent poursuivre – au-delà des scénarios d’émissions de GES au sens étroit ou des scénarios qui à l’inverse ignorent les changements climatiques – peut préparer le contexte pour de nouvelles analyses des liens, mais de nouveaux outils méthodologiques seront peut-être nécessaires à cette fin [12.2.4].