IPCC Fourth Assessment Report: Climate Change 2007
Rapport de synthèse

5.4 Évolution des émissions jusqu’à leur stabilisation

Les émissions de GES doivent culminer puis décroître pour que les concentrations atmosphériques de ces gaz se stabilisent[28]. Plus le niveau de stabilisation visé est bas, plus le pic doit être atteint rapidement (figure 5.1).[29] {GT III 3.3, 3.5, RiD}

Augmentation des émissions de CO2 et de la température à l’équilibre selon divers niveaux de stabilisation

Figure 5.1

Figure 5.1. Émissions mondiales de CO2 entre 1940 et 2000 et fourchettes d’émissions anticipées, selon les catégories de scénarios de stabilisation, pour la période 2000–2100 (à gauche); rapport entre l’objectif de stabilisation et l’écart probable entre la température moyenne du globe à l’équilibre et la température préindustrielle (à droite). Il peut s’écouler plusieurs siècles avant que ne soit atteint l’état d’équilibre, surtout avec les scénarios qui prévoient un haut niveau de stabilisation. Les zones colorées correspondent aux scénarios de stabilisation groupés selon leurs objectifs (catégories I à VI). On voit, à droite, l’écart entre la température moyenne du globe et la température préindustrielle selon i) la valeur la plus probable de la sensibilité du climat, soit 3 °C (trait noir recoupant les zones colorées), ii) la limite supérieure de la gamme probable de la sensibilité du climat, soit 4,5 °C (ligne rouge délimitant le haut des zones colorées) et iii) la limite inférieure de la gamme probable de la sensibilité du climat, soit 2 °C (ligne bleue délimitant le bas des zones colorées). Dans la partie gauche, les lignes noires en pointillé représentent les fourchettes d’émissions des scénarios de référence publiés depuis le SRES (2000). Les gammes d’émissions des scénarios de stabilisation comprennent le CO2 uniquement ou plusieurs gaz. Elles correspondent aux 10e–90e percentiles de la distribution complète. Note : Dans la plupart des scénarios, les émissions de CO2 ne comprennent pas les rejets issus de la décomposition de la biomasse aérienne qui subsiste après une coupe forestière ou un déboisement, ni ceux issus de la combustion de tourbe et des sols tourbeux asséchés. {GT III figures RiD.7 et RiD.8}

Les progrès réalisés dans l’élaboration des modèles après la publication du TRE permettent d’évaluer les stratégies d’atténuation concernant plusieurs gaz pour étudier la faisabilité et les coûts de la stabilisation des concentrations de GES. Ces modèles permettent d’explorer un plus large éventail de scénarios que le TRE, notamment pour des niveaux de stabilisation inférieurs. {GT III 3.3, 3.5, RiD}

Les mesures d’atténuation qui seront prises au cours des deux à trois prochaines décennies détermineront dans une large mesure les possibilités de stabiliser les concentrations à un niveau relativement bas. (tableau 5.1 et figure 5.1). {GT III 3.5, RiD}.

Dans le tableau 5.1 sont récapitulés les niveaux d’émissions associés à différentes concentrations de stabilisation ainsi que la hausse correspondante de la température moyenne à la surface du globe à l’équilibre, selon la « valeur la plus probable » de la sensibilité du climat (voir la figure 5.1 pour l’intervalle d’incertitude probable). La stabilisation à un faible niveau de concentration et aux niveaux correspondants de la température à l’équilibre exige que le pic intervienne plus tôt et que les réductions des émissions d’ici 2050 soient plus marquées[30]. La sensibilité du climat est une incertitude fondamentale pour les scénarios d’atténuation qui visent à atteindre des niveaux de températures particuliers. Si elle est élevée, les mesures d’atténuation nécessaires pour atteindre un niveau donné de stabilisation des températures doivent être prises plus tôt et avec plus de rigueur. {GT III 3.3, 3.4, 3.5, 3.6, RiD}

Tableau 5.1. Caractéristiques des scénarios de stabilisation post-TRE et élévation résultante, à l’équilibre et à long terme, de la température moyenne à la surface du globe et du niveau de la mer due à la seule dilatation thermique.a {GT I 10.7; GT III tableau RT.2, tableau 3.10, tableau RiD.5}

Catégorie Concentration de CO2 au niveau de stabilisation (2005 = 379 ppm)b Concentration d’équivalent-CO2 au niveau de stabilisation, y compris GES et aérosols (2005 = 375 ppm)b Année du pic d’émissions de CO2a c Variation des émissions mondiales de CO2 en 2050 (par rapport aux émissions en 2000)a c Écart entre la température moyenne du globe à l’équilibre et la température préindustrielle, selon la valeur la plus probable de la sensibilité du climatd e Écart entre le niveau moyen de la mer à l’équilibre et le niveau préindustriel dû à la seule dilatation thermiquef  Nombre de scénarios évalués 
 ppm ppm année °C mètres   
350-400 445-490 2000-2015 - 85 à - 50 2,0 - 2,4 0,4 - 1,4 
II 400-440 490-535 2000-2020 - 60 à - 30 2,4 - 2,8 0,5 - 1,7 18 
III 440-485 535-590 2010-2030 - 30 à + 5 2,8 - 3,2 0,6 - 1,9 21 
IV 485-570 590-710 2020-2060 + 10 à + 60 3,2 - 4,0 0,6 - 2,4 118 
570-660 710-855 2050-2080 + 25 à + 85 4,0 - 4,9 0,8 - 2,9 
VI 660-790 855-1 130 2060-2090 + 90 à +140 4,9 - 6,1 1,0 - 3,7 

Notes :

a) Il est possible que les études d’atténuation évaluées sous-estiment la baisse des émissions nécessaire pour atteindre un niveau de stabilisation donné, car elles ne tiennent pas compte des rétroactions du cycle du carbone (voir également le point 2.3).

b) Les concentrations atmosphériques de CO2 atteignaient 379 ppm en 2005. La valeur la plus probable de la concentration totale d’équivalent-CO2 pour tous les GES à longue durée de vie s’établissait à 455 ppm environ en 2005, tandis que la valeur correspondante incluant l’effet net de l’ensemble des agents de forçage anthropique était de 375 ppm.

c) La fourchette correspond aux 15e–85e percentiles de la distribution des scénarios post-TRE. Les émissions de CO2 sont données afin de pouvoir comparer les scénarios portant sur plusieurs gaz aux scénarios qui se limitent au CO2 (voir la figure 2.1).

d) La valeur la plus probable de la sensibilité du climat s’établit à 3 °C.

e) L’inertie propre au système climatique explique le fait que la température moyenne du globe à l’équilibre se distingue de la température moyenne du globe au moment où les concentrations de GES seront stabilisées. Selon la majorité des scénarios évalués, les concentrations de GES se stabilisent entre 2100 et 2150 (voir également la note de bas de page 30).

f) L’élévation du niveau de la mer à l’équilibre tient uniquement compte de la dilatation thermique des océans, et l’état d’équilibre ne sera pas atteint avant de nombreux siècles. Ces valeurs ont été estimées au moyen de modèles climatiques relativement simples (un MCGAO de faible résolution et plusieurs MSTCI, pour une sensibilité du climat de 3 °C) et ne comprennent pas l’apport de la fonte des inlandsis, des glaciers et des calottes glaciaires. On estime que la dilatation thermique entraînera à long terme une élévation de 0,2 à 0,6 m du niveau de la mer pour chaque degré Celsius d’augmentation de la température moyenne du globe par rapport à l’époque préindustrielle. (MCGAO : modèle de la circulation générale couplé atmosphère-océan; MSTCI : modèle du système terrestre de complexité intermédiaire)

Il est inévitable que le réchauffement s’accompagne d’une élévation du niveau de la mer. La dilatation thermique se poursuivra pendant de nombreux siècles après que les concentrations de GES se seront stabilisées, à quelque niveau que ce soit, provoquant une montée des eaux beaucoup plus importante que celle projetée pour le XXIe siècle (tableau 5.1). Si les concentrations de GES et d’aérosols avaient été stabilisées aux niveaux de l’an 2000, la dilatation thermique devrait à elle seule entraîner une élévation du niveau de la mer supplémentaire de 0,3 à 0,8 m. Si la hausse des températures se maintenait pendant des siècles au-delà de la fourchette 1,9-4,6 °C par rapport à l’époque préindustrielle, la fonte de l’inlandsis groenlandais pourrait faire monter le niveau de la mer de plusieurs mètres, pour un apport supérieur à celui de la dilatation thermique. À long terme, cette évolution serait lourde de conséquences pour les zones côtières de la planète. Étant donné les délais en jeu dans la dilatation thermique et la réaction des nappes glaciaires au réchauffement, il s’écoulerait des siècles entre le moment où les concentrations de GES (ou le forçage radiatif) se stabiliseraient aux niveaux actuels ou à des niveaux supérieurs et le moment où le niveau de la mer cesserait à son tour de monter {GT I 10.7}

Les rétroactions entre le cycle du carbone et les changements climatiques ont une incidence sur les mesures d’atténuation et d’adaptation nécessaires. Ces deux cycles étant corrélés, la part des émissions anthropiques subsistant dans l’atmosphère devrait augmenter à mesure que se réchauffe le système climatique (voir les points 2.3 et 3.2.1). Toutefois, les études portant sur l’atténuation n’intègrent pas encore la pleine portée de ces rétroactions. Les réductions d’émissions nécessaires pour atteindre un niveau de stabilisation donné pourraient donc avoir été sous-estimées dans les études d’atténuation évaluées au tableau 5.1. En se fondant sur la compréhension actuelle des rétroactions entre les changements climatiques et le cycle du carbone, les études qui s’appuient sur les modèles suggèrent qu’une stabilisation des concentrations de CO2 à 450 ppm[31], par exemple, pourrait nécessiter que les émissions cumulées au cours du XXIe siècle soient inférieures à 1 800 [1 370-2 200] Gt CO2, soit environ 27 % de moins que les 2 460 [2 310-2 600] Gt CO2 établis sans tenir compte des rétroactions du cycle du carbone. {RSY 2.3, 3.2.1; GT I 7.3, 10.4, RiD}.

  1. ^  Les émissions doivent atteindre leur niveau maximum (leur pic) avant de diminuer.
  2. ^  Le pic des émissions devrait être atteint en 2015 pour la catégorie inférieure des scénarios d’atténuation et en 2090 pour la catégorie supérieure (voir le tableau 5.1). Le rythme de l’évolution du climat est très différent avec les scénarios qui considèrent d’autres modes de réduction des émissions. {GT II 19.4}
  3. ^  Dans le quatrième Rapport d’évaluation, il n’y a pas de valeurs estimées de l’évolution de la température au cours du présent siècle selon les différents scénarios de stabilisation. Pour la plupart des niveaux de stabilisation, la température moyenne du globe à l’équilibre est atteinte au bout de quelques siècles. L’état d’équilibre pourrait survenir plus tôt avec les scénarios de stabilisation aux niveaux les plus bas (catégories I et II, figure 5.1).
  4. ^  Pour une stabilisation à 1 000 ppm CO2, cette rétroaction pourrait nécessiter que les émissions cumulées soient ramenées d’une moyenne entre les divers modèles d’environ 5 190 [4 910-5 460] Gt CO2 à quelque 4 030 [3 590-4 580] Gt CO2. {GT I 7.3, 10.4, RiD}